Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé jeudi à Washington les pays européens à soutenir la campagne de son gouvernement contre les séparatistes kurdes, après un attentat à la voiture piégée qui a fait sept morts dans le sud-est de la Turquie.

Son intervention devant le cercle de réflexion Brookings a été marquée par des heurts opposant des services de sécurité turcs à des manifestants et des journalistes.

« Nous ne pouvons plus tolérer ça », a déclaré M. Erdogan à propos de l'attentat. « Les pays européens et les autres pays, j'espère, peuvent voir le véritable visage derrière ces attentats », a déclaré le président turc, venu dans la capitale américaine pour participer au sommet sur la sûreté nucléaire organisé par Barack Obama.

Sept policiers turcs ont été tués et au moins 27 personnes ont été blessées dans un attentat à la voiture piégée jeudi à Diyarbakir, la plus grande ville du sud-est de la Turquie à majorité kurde, une attaque attribuée aux séparatistes kurdes.

M. Erdogan a estimé jeudi que le monde entier devait s'unir pour combattre le terrorisme, affirmant que les Kurdes étaient aussi dangereux que les combattants du groupe État islamique.

La coalition internationale contre l'EI menée par les États-Unis en Syrie assiste les Unités de protection du peuple (YPG) - bras armé du principal parti kurde en Syrie, le Parti de l'union démocratique (PYD) - dans la lutte contre le groupe djihadiste.

Mais la Turquie estime que les YPG sont des alliés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L'Occident ne doit pas considérer qu'il y a de « bons terroristes » sous prétexte qu'ils combattent les djihadistes de l'EI, a estimé M. Erdogan.

Journalistes pris à partie

Avant son arrivée à la Brookings, des heurts ont opposé son service de sécurité à des manifestants arborant des symboles des YPG.

Le personnel de sécurité turc s'en est également pris à des journalistes. Un homme a lancé un coup de pied vers un journaliste américain tentant de filmer des heurts.

D'autres ont tenté d'empêcher deux journalistes turcs d'accéder au bâtiment de la Brookings, dont un journaliste du journal d'opposition Zaman, saisi par le gouvernement.

Le Club national de la presse américain, une grande organisation de journalistes, a exprimé son inquiétude après ces heurts.

« Le président turc et son équipe de sécurité sont des invités des États-Unis », a déclaré dans un communiqué Thomas Burr, le président du Club. « Ils n'ont pas le droit de porter la main sur des reporters ou des manifestants ou n'importe qui en l'occurrence », a-t-il ajouté.

« Erdogan n'a pas à exporter » les violations des droits de l'homme et de la presse qui se développent en Turquie, a-t-il dit.

De son côté, le président turc a défendu l'action de son gouvernement contre des médias turcs, malgré les critiques internationales.

Évoquant les cas de 52 « soi-disant journalistes incarcérés », il a affirmé que ces personnes « avaient déjà été condamnées pour actions terroristes et (pour) avoir été impliquées dans des organisations terroristes ».

« Si vous voulez les détails, je serai très heureux de les partager avec vous », a-t-il dit en brandissant un dossier.

« Dans les prisons turques il n'y a pas de journalistes qui ont été condamnés en raison de leur profession » ou en violation de leur liberté d'expression, a-t-il dit, estimant que sa réélection avait démontré sa légitimité démocratique.

Le président Barack Obama n'a pas organisé de rencontre bilatérale avec le président turc, qui fait l'objet de critiques grandissantes au sein de l'administration américaine.

Mais le vice-président américain Joe Biden a rencontré M. Erdogan. Ils ont réaffirmé « l'alliance étroite » entre les États-Unis et la Turquie, et leur « intention commune » de vaincre le groupe État islamique, selon un communiqué de la vice-présidence américaine.

La Turquie vit en état d'alerte renforcée en raison d'une série inédite d'attentats depuis l'été dernier, attribués aux djihadistes ou liés à la reprise du conflit kurde.