L'aviation turque a riposté dans la nuit de lundi à mardi par des raids à des attaques meurtrières attribuées à des rebelles kurdes dans plusieurs villes de Turquie, le président Erdogan promettant de poursuivre ces raids jusqu'à la disparition «des terroristes.

«Nous continuerons notre combat jusqu'à ce que les armes soient déposées (...) et qu'il ne reste plus un seul terroriste à l'intérieur de nos frontières», a dit le président turc Recep Tayyip Erdogan dans un discours télévisé mardi, ajoutant que la campagne aérienne de plus de deux semaines contre le PKK avait déjà infligé «des pertes sérieuses» à ce groupe.

L'état-major turc a précisé que «dix-sept cibles ont été frappées avec précision dans la province de Hakkari», dans le sud-est de la Turquie, frontalière de l'Irak.

M. Erdogan a aussi affirmé que des «opérations efficaces» avaient été menées contre le groupe Etat islamique (EI). «Nous ne faisons pas de différence entre les organisations terroristes», a-t-il assuré ajoutant que le processus de paix avec le PKK était «gelé».

Son premier ministre Ahmet Davutoglu a, pour sa part, indiqué dans un entretien à la BBC diffusé mardi qu'Ankara continuerait ses discussions avec Washington pour mettre à exécution son vieux projet d'établir des «zones d'exclusion aérienne»  en Syrie afin d'assurer la sécurité des populations déplacées.

La Turquie accueille quelque 1,8 million de réfugiés syriens.

Dans ce contexte M. Davutoglu n'a pas exclu l'envoi de troupes turques au sol en Syrie voisine pour assurer la sécurité de cette zone tout en soulignant que «s'il y suffisamment de forces modérées (de l'opposition syrienne) en Syrie, un déploiement militaire d'autres pays, dont la Turquie, ne sera pas nécessaire».

La Turquie a été la cible d'une série de nouveaux attentats particulièrement meurtriers lundi.

Dans le sud-est anatolien, peuplé majoritairement de Kurdes, cinq policiers et un soldat ont été tués dans des attaques attribuées aux séparatistes kurdes du PKK, et un groupe clandestin d'extrême gauche a revendiqué un attentat contre le consulat américain d'Istanbul.

La mission américaine a rouvert mardi sous d'importantes mesures de sécurité.

Par ailleurs, un soldat a été tué tard lundi par des tirs de rebelles kurdes à Sirnak (sud-est), a indiqué l'armée turque.

Le gouvernorat d'Agri, province de l'est qui abrite le mont Ararat, a annoncé pour sa part que 7 rebelles kurdes avaient été tués samedi lors d'opérations dans des zones rurales.

Une guerre sur deux fronts

Ankara a lancé le 24 juillet une «guerre contre le terrorisme» visant simultanément le PKK et les combattants de l'EI en Syrie. Mais les dizaines de raids aériens suivants se sont concentrés sur la guérilla kurde, seuls trois ayant été signalés contre l'EI.

L'agence progouvernementale Anatolie a donné ce week-end un bilan de 390 rebelles du PKK tués par des chasseurs turcs contre les bases arrière de la guérilla dans le nord de l'Irak, et d'une trentaine de membres des forces de sécurité turques tués.

Les États-Unis, alliés d'Ankara au sein de l'OTAN, ont déployé dimanche un premier groupe de six avions F-16 et 300 militaires sur la base turque d'Incirlik (sud), en vertu d'un accord conclu en juillet entre les deux pays.

Ankara s'était montré très réticent à lutter contre les jihadistes de l'EI et était pointé du doigt pour son laxisme par la communauté internationale. Mais l'attentat du 20 juillet à la frontière syrienne avec 32 civils tués a changé la donne.

Le contexte est très tendu depuis avec des attaques quotidiennes de la guérilla kurde et des représailles des forces d'Ankara qui ont mis un terme à près de trois ans de trêve entre les parties dans le cadre d'un processus de paix.

La Turquie est empêtrée parallèlement dans une crise politique depuis les législatives du 7 juin qui ont privé le parti islamoconservateur de la majorité absolue au Parlement et anéanti les plans du président Erdogan de renforcer ses pouvoirs.

Le Parti gouvernemental de la justice et du développement (AKP) et le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principal mouvement d'opposition, doivent prendre une décision définitive cette semaine sur la formation ou non d'une coalition gouvernementale, ont-ils annoncé tard lundi.

Une nouvelle rencontre entre M. Davutoglu et Kemal Kiliçdaroglu, président du CHP, est prévue jeudi.

Les détracteurs du président turc l'accusent de vouloir choisir le «chaos» pour préparer un nouveau scrutin législatif dont le résultat serait propice à un amendement constitutionnel à la mesure de ses ambitions.