Au lendemain de la révélation d'un projet d'attentat avorté en France, les enquêteurs intensifiaient jeudi leurs recherches sur d'éventuels complices et soutiens logistiques de l'Algérien arrêté dimanche, soupçonné d'avoir projeté une attaque contre une église catholique et d'avoir tué une femme.

«La menace n'a jamais été aussi importante, nous n'avons jamais eu à faire face à ce type de terrorisme dans notre histoire», a déclaré le premier ministre Manuel Valls, sur la radio France Inter.

Il a fait état de «cinq attentats» déjoués en France, depuis l'été 2013 selon ses services, dont le dernier en date dimanche et autour duquel de nombreuses questions restaient sans réponse.

Son auteur, Sid Ahmed Ghlam, étudiant de 24 ans vivant en France, faisait l'objet d'une fiche des services de renseignements après s'être radicalisé en 2014 et un voyage en Turquie début 2015. Il n'était cependant pas étroitement surveillé.

«Ce type d'individus n'agit pas seul», «tout indique» que Sid Ahmed Ghlam a projeté son attaque «en liaison avec un individu qui pourrait être en Syrie et qu'«une commande a été passée sans doute pour cibler une église», a souligné Manuel Valls.

La veille, le procureur chargé de l'enquête François Molins, se fondant sur l'exploitation de l'ordinateur et des téléphones portables du jeune Algérien, avait fait état de ce contact en Syrie qui avait demandé «explicitement» à l'étudiant «de cibler particulièrement une église».

En choisissant cette cible, «c'est la France, toute la France qui est visée pour ce qu'elle est», a réaffirmé Manuel Valls. En janvier, les trois djihadistes français, tués par la police après leurs attentats meurtriers (17 morts), avaient visé d'autres cibles symboliques : l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, une policière et un magasin casher.

L'archevêque de Paris, Mgr André Vingt-trois, a appelé jeudi à «ne pas céder au piège» tendu par les réseaux terroristes qui se livrent à une «surenchère médiatique».

«Nous ne voulons pas nous incliner face à une conception du monde qui ferait de nous les ennemis les uns des autres», a-t-il dit à l'issue d'un entretien avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Les enquêteurs se penchent aussi sur l'arsenal impressionnant trouvé dans la voiture et la chambre que Sid Ahmed Glam occupait dans une résidence étudiante : armes de guerre, armes de poing, munitions, gilets pare-balles, brassards de police... laissant penser à l'existence derrière lui d'un réseau constitué.

Projet sur la sécurité critiqué

La garde à vue du jeune djihadiste, arrêté à Paris, a été prolongée jeudi de 24 h, a annoncé à l'AFP une source judiciaire.

Elle pourrait l'être encore jusqu'à samedi en vertu des lois antiterroristes permettant une garde à vue de six jours dans les cas de risque imminent d'action violente. L'utilisation de cette procédure reste rarissime.

Selon le procureur, l'Algérien a d'abord fait des déclarations «fantaisistes» aux policiers avant de se murer dans le silence.

Une femme de son entourage a aussi été interpellée à Saint-Dizier (est) où est installée sa famille. La garde à vue de cette convertie de 25 ans a été prolongée jeudi matin.

L'attentat déjoué dimanche a été éventé dans des circonstances fortuites : le suspect a lui-même appelé les secours après s'être blessé avec sa propre arme dans des circonstances encore non élucidées, et alors qu'il venait apparemment de tuer une femme à Villejuif (sud de Paris).

Les conditions de ce meurtre restent inconnues.

Dans ce contexte, le premier ministre a défendu le projet de loi sur le renseignement actuellement en discussion au Parlement, et qui fait l'objet de vives critiques à gauche inquiète d'une surveillance généralisée. Une crainte «absurde» selon lui.

Cette loi «aurait donné plus de moyens aux services de renseignement pour effectuer un certain nombre de surveillances» concernant Sid Agmed Ghlam, a-t-il assuré. «C'est une loi qui permet de donner plus de moyens à nos services de renseignement tout en maintenant nos libertés», et qui n'a «rien à voir avec le Patriot Act» adopté aux États-Unis après le 11 septembre 2001, a-t-il insisté.

Actuellement, a souligné M. Valls «1573 Français ou résidents en France» sont recensés pour leur implication dans ces filières terroristes». «Quatre-cent-quarante-deux se trouvent sans doute actuellement en Syrie, 97 y sont morts». Et la France, a-t-il souligné, n'est pas le seul pays concerné par le terrorisme djihadiste, puisque «de 3000 à 5000 Européens» se trouvent en Syrie ou en Irak.