Les dirigeants islamo-conservateurs turcs ont rejeté mercredi par avance le vote du Parlement européen, qui doit se prononcer sur une résolution dans laquelle il évoque le «génocide» des Arméniens par l'Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale.

«Quelle qu'en soit l'issue, le vote du Parlement de l'Union européenne m'entrera dans une oreille et ressortira aussitôt par l'autre parce que la Turquie ne peut reconnaître un tel péché ou un tel crime», a déclaré le président Recep Tayyip Erdogan à la presse avant une visite officielle au Kazakhstan voisin.

«Nous ne laisserons pas notre nation se faire insulter pour son histoire», a renchéri le premier ministre Ahmet Davutoglu lors d'une réunion publique de lancement de la campagne du parti au pouvoir pour les élections législatives du 7 juin.

Le Parlement européen doit se prononcer mercredi sur une résolution concernant «la commémoration du centenaire du génocide arménien», le 24 avril prochain.

Ce vote intervient trois jours après les propos du pape François, qui a provoqué la fureur des autorités turques en évoquant le «génocide» de centaines de milliers d'Arméniens perpétré par l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale. Ankara a annoncé le rappel pour consultations de son ambassadeur auprès du Vatican.

Mardi, M. Erdogan s'était dit «consterné» par les déclarations du souverain pontife, évoquant des «délires» et plaidé pour laisser la question aux seuls historiens.

«Je ne sais pas quelle décision ils (les députés européens) vont prendre», a indiqué mercredi le chef de l'État turc. «Personnellement, je ne m'en préoccupe pas, car nous (les Turcs) ne portons pas la tache ou l'ombre d'un génocide».

M. Erdogan a également souligné que son pays accueillait actuellement quelque 100 000 Arméniens de la diaspora vivant en Turquie. «Nous aurions pu les déporter, mais nous ne l'avons pas fait. Ils sont toujours les bienvenus dans notre pays», a-t-il insisté, jugeant «incompréhensibles» les critiques adressées à son pays, qui «fait preuve d'hospitalité».

De son côté, M. Davutoglu a dénoncé mercredi les «accusations injustes» visant la Turquie à la veille des législatives. «Le pape a rejoint ceux qui tendent des pièges à l'AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) et à la Turquie», a-t-il dit.

La Turquie nie catégoriquement que l'Empire ottoman ait organisé le massacre systématique de sa population arménienne pendant la Première Guerre mondiale et récuse le terme de «génocide» repris par l'Arménie, de nombreux historiens et une vingtaine de pays dont le Canada, la France, l'Italie et la Russie.

Les deux pays se querellent également autour du nombre des victimes. Ankara reconnaît la mort d'environ 500 000 Arméniens lors de déportations, victimes de groupes armées ou de la faim, alors qu'Erevan évoque la mort d'environ 1,5 million d'entre eux lors d'opérations d'élimination systématique.

En 2014, M. Erdogan, alors premier ministre, avait présenté pour la première fois des condoléances aux Arméniens, sans pour autant cesser de contester tout génocide.