Face au réformisme affiché par le pouvoir socialiste, deux syndicats français, dont le plus important, la CGT, ont pris la décision inédite de boycotter la seconde journée de la conférence sociale mardi, portant un coup dur à ce rendez-vous annuel destiné à préparer les mesures face au chômage de masse.

Après deux éditions plutôt consensuelles, la troisième conférence sociale du mandat de François Hollande a un goût d'échec, même si le chef de l'État a affirmé sa volonté de poursuivre la méthode du «dialogue social».

François Hollande et son premier ministre Manuel Valls ont ouvert lundi après-midi à Paris la conférence sociale, mais sa seconde journée, mardi, sera boycottée par la Confédération générale du travail (CGT, premier syndicat français) et Force ouvrière (FO, majoritaire chez les fonctionnaires).

Accusant Manuel Valls de céder aux injonctions du patronat, ces deux syndicats ont décidé de ne pas participer mardi aux sept tables rondes prévues autour de 11 ministres, ni au discours de clôture de Manuel Valls dans l'après-midi, qui doit tracer la feuille de route sociale pour l'année à venir.

Mais les syndicats ont maintenu leur présence à la réunion à huis clos lundi avec François Hollande. Le dialogue social ne peut être «une perpétuelle surenchère avec des demandes unilatérales», a prévenu le chef de l'État à l'issue de cette rencontre.

Le président a aussi appelé le patronat à «s'emparer» du pacte de responsabilité «de manière urgente et à aboutir à de vrais résultats» en matière d'objectifs de créations d'emplois.

Il a demandé au gouvernement de mettre en place «un groupe d'évaluation des négociations» sur le pacte, réclamé par la CFDT, et d'évaluation «des aides publiques» aux entreprises, une vieille revendication de la CGT.

Pour les syndicats, les motifs de mécontentement s'accumulent. La CGT et FO, opposés depuis le début au pacte de responsabilité, un ensemble de mesures grâce auxquelles le pouvoir compte sortir le pays de l'ornière, mais qu'ils ont rebaptisé «pacte d'austérité», ont très mal pris les récentes décisions du premier ministre sur le report partiel du compte pénibilité et sa proposition d'une simplification du Code du travail.

Le numéro un de FO Jean-Claude Mailly a dénoncé des déclarations «intempestives» du premier ministre et son «mépris» pour les syndicats. Toutefois, selon lui, le boycottage partiel de la conférence ne veut «pas dire qu'il n'y a plus de dialogue social, ça veut dire que le dialogue social fait des bogues».

Le discours du premier ministre «ne mérite pas notre présence à ses côtés» en raison de ses déclarations récentes «en faveur du patronat», a renchéri son homologue de la CGT, Thierry Lepaon.

Le «pacte de responsabilité», qui a consacré aux yeux de la gauche française le virage «social-démocrate» du président, prévoit 40 milliards d'euros d'aide aux entreprises contre la création d'un demi-million d'emplois d'ici à 2017. Ce plan est présenté par M. Hollande comme «le plus grand compromis social depuis des décennies».

«Take the money and run»

Face aux critiques, Manuel Valls, qui achève mardi ses cent premiers jours à la tête du gouvernement, a décrit dimanche une France «entravée, coincée, tétanisée» et plaidé en faveur d'une gauche «qui met la société en mouvement», une gauche «qui marche», au cours d'un déplacement dans le Gard (sud).

La troisième grand-messe sociale du mandat du président socialiste a lieu au moment où la reprise économique tant annoncée se fait toujours attendre, avec des secteurs d'activité sinistrés (bâtiment) et un chômage record.

«L'enjeu de la conférence, ce sera avant tout l'emploi», dit-on au ministère du Travail, alors que plus de 3,3 millions de personnes n'ont aucune activité, près d'un demi-million de plus qu'à l'arrivée au pouvoir de François Hollande en mai 2012.

Avec ces rendez-vous réguliers, M. Hollande espère sortir la France de la culture de la confrontation qui caractérise les relations entre patronats et syndicats. «Un pays où il y a du dialogue social, c'est un pays qui va bien», a assuré lundi le ministre du Travail, François Rebsamen.

Le MEDEF, principale organisation patronale, avait le premier évoqué la semaine dernière une «éventualité de boycottage» si le «compte pénibilité», une des mesures phares de la réforme des retraites permettant à certains salariés de partir plus tôt, n'était pas reporté.

Après le recul de Manuel Valls sur ce sujet, ce fut au tour des syndicats de manifester leur mécontentement en accusant le gouvernement de céder aux «injonctions» du patronat.

Mais le chef du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a exprimé lundi l'opinion d'une bonne partie de la gauche selon laquelle «la culture du Medef, c'est ''take the money and run''» (prend l'argent et sauve-toi)».