L'ex-président de la France Nicolas Sarkozy, qui avait tiré profit de son immunité pour se préserver de plusieurs dossiers judiciaires embarrassants pendant son passage au pouvoir, voit les affaires s'accumuler. La plus récente suggère qu'il a tenté d'influencer un important tribunal pour compliquer la tâche des juges à ses trousses.

Q: Pourquoi l'ex-président était-il sous écoute téléphonique?

R: La décision remonte au printemps 2013 alors qu'une information judiciaire est ouverte pour faire toute la lumière sur des allégations voulant que Nicolas Sarkozy ait bénéficié d'un soutien financier illégal du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi lors de la campagne présidentielle de 2007. Les juges désignés au dossier décident de mettre sous écoute l'ancien chef d'État ainsi que deux anciens ministres de l'Intérieur, dans l'espoir d'étayer le dossier.

Q: L'ex-président était-il au courant de ces écoutes?

R: Des échanges téléphoniques de Brice Hortefeux, l'un des ex-ministres sous écoute, se retrouvent dans les médias à la fin de 2013. L'ex-président adopte alors une approche résolument plus prudente dans ses échanges téléphoniques. Les juges découvrent dans la foulée qu'il utilise un second téléphone, acquis sous le pseudonyme de Paul Bismuth, avec lequel il multiplie les échanges avec son avocat, Thierry Herzog. Ces appareils sont aussi mis sous écoute.

Q: Que révèlent les écoutes?

R: Alors qu'ils recherchent des informations sur l'affaire libyenne, les magistrats tombent sur une autre piste. Les échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat suggèrent qu'ils tentent d'influencer une décision de la Cour de cassation qui pourrait avoir une incidence importante sur les démêlés judiciaires de l'ex-président. L'ancien chef d'État a demandé au tribunal de déclarer illégale la saisie par la justice de ses agendas privés et officiels, qui contiennent des informations susceptibles de lui nuire dans plusieurs dossiers sensibles.

Q: Comment s'articule ce supposé «trafic d'influence» ?

R: Les enregistrements à ce sujet, qui ont mené à l'ouverture d'une enquête distincte, indiquent que Me Herzog était en contact avec un avocat général de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Il se félicite dans un entretien avec le président du fait que l'homme ait «bien bossé» en rencontrant plusieurs magistrats relativement à la saisie des agendas. Par ailleurs, il laisse entendre à l'avocat général que Nicolas Sarkozy est disposé à intervenir pour lui assurer une nomination éventuelle comme conseiller d'État à Monaco. La Cour de cassation décide finalement de ne pas statuer sur la question des agendas, permettant à la justice de poursuivre leur utilisation.

Q: Que révèlent par ailleurs les enregistrements?

R: Leur contenu est aussi embarrassant sur le plan strictement politique puisqu'il contient des déclarations méprisantes sur le système judiciaire. Dans un des passages, Me Herzog peste contre ces «bâtards de Bordeaux», faisant référence aux juges d'instruction qui ont mis Nicolas Sarkozy en examen dans l'affaire Bettencourt. Il a bénéficié d'un non-lieu dans ce dossier après s'être vu reprocher d'avoir tenté d'abuser de la riche héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, pour financer illégalement sa campagne de 2007.

Q: Comment a réagi le président Sarkozy à cette nouvelle affaire?

R: Dans une lettre ouverte, il a nié toute malversation et a affirmé, en faisant référence aux écoutes, que «des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec une violence inédite et une absence de scrupule sans précédent». Me Herzog a parallèlement fait savoir qu'il allait déposer une plainte pour violation du secret de l'instruction afin de déterminer qui avait divulgué au site d'information Mediapart le compte rendu des écoutes téléphoniques.

Q: Comment réagit la classe politique?

R: Dans le camp socialiste, l'indignation est de mise, et les références à un «scandale d'État» se multiplient. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a dénoncé publiquement «l'extrême gravité des accusations qui pèsent sur l'ancien président de la République». Les partisans de l'ancien président évoquent de leur côté un «complot» qui aurait pour objectif de freiner son retour à l'avant-scène politique et de nuire à la droite à l'occasion des élections municipales qui se tiendront en fin de semaine.