Les manifestants pro-européens ont refusé jeudi de quitter les barricades érigées au coeur de Kiev malgré de nouvelles concessions du président Viktor Ianoukovitch, qui vient de tomber «malade», un rebondissement ajoutant encore à la confusion dans cette crise à l'issue incertaine.

Le chef de l'État ukrainien, confronté depuis décembre à un mouvement de contestation sans précédent né de son refus de se rapprocher de l'Union européenne, souffre d'une «maladie respiratoire aiguë» et est en «congé de maladie», a annoncé la présidence. Par voie de communiqué, M. Ianoukovitch a également reconnu avoir fait «des erreurs».

Mercredi, M. Ianoukovitch s'était rendu au Parlement qui débattait âprement de la loi d'amnistie qu'il avait proposée en faveur des manifestants arrêtés pendant les troubles, tentant ainsi de répondre à une des principales revendications de l'opposition.

La majorité a voté ce texte, mais l'a assorti de conditions jugées inacceptables par l'opposition, comme l'évacuation de certains bâtiments publics toujours occupés, qui craint une manoeuvre du président pour casser le mouvement.

«J'ai le sentiment que cet homme veut nous arnaquer et essaie seulement de gagner du temps. Mais nous n'allons pas le laisser faire», a estimé un des leaders de la rébellion, l'ancien champion de boxe Vitali Klitschko, dans des déclarations publiées jeudi par le quotidien allemand Bild.

Pour lui, M. Ianoukovitch doit avant toute chose signer l'abrogation de lois répressives sur les manifestations, déjà votée par le Parlement.

«Notre lutte va continuer!» a lancé de son côté durant la nuit le leader du parti nationaliste Svoboda, Oleg Tiagnybok, à quelques centaines de manifestants transis de froid, par moins vingt degrés.

Seuls quelques dizaines de militants, certains casqués et un bâton à la main, étaient présents jeudi matin en début de matinée, place de l'Indépendance à Kiev.

Pressions internationales

Les Européens, qui craignent de voir dégénérer ce conflit qui a fait au moins trois morts la semaine dernière à Kiev, ont voulu lancer un message d'apaisement à toutes les parties.

En déplacement en Ukraine mercredi, la responsable de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a appelé à la fin de «la violence et (des) intimidations, d'où qu'elles viennent».

Les Européens avaient dans un premier temps apporté un soutien explicite à la mobilisation populaire en Ukraine, suscitée par la volte-face de Viktor Ianoukovitch qui s'est rapproché de la Russie au détriment de l'UE.

Mais après les affrontements violents à Kiev, les responsables européens ont surtout appelé au dialogue, tout en condamnant l'adoption des lois répressives qui les avait déclenchés.

Berlin a aussi indiqué que la chancelière allemande, Angela Merkel, avait appelé le président russe, Vladimir Poutine, pour l'appeler à favoriser de son côté le dialogue en Ukraine.

La Russie, qui a vivement dénoncé ce qu'elle perçoit comme des ingérences européennes en Ukraine, a en effet affiché sa circonspection à l'égard des changements en cours à Kiev.

M. Poutine a estimé qu'il fallait «attendre la formation du nouveau gouvernement», avant de continuer de mettre en oeuvre l'aide économique de 15 milliards de dollars accordée en décembre à l'Ukraine après qu'elle eut renoncé à s'associer à l'UE.

Le président américain Barack Obama a de son côté souligné que les États-Unis défendaient le droit des Ukrainiens de «s'exprimer librement et pacifiquement», et celui d'avoir leur «mot à dire pour l'avenir du pays».

Le directeur du renseignement américain (DNI) James Clapper, a estimé pour sa part que Viktor Ianoukovitch avait la «ferme intention de se maintenir au pouvoir».