Après plusieurs jours de traque fiévreuse, les autorités françaises ont confirmé que le tireur du quotidien Libération, interpellé mercredi soir dans la banlieue parisienne, était bien Abdelhakim Dekhar, qui a été confondu par son ADN.

Agé de 48 ans, l'homme avait déjà été condamné pour avoir fourni une arme dans une affaire de fusillade mortelle contre trois policiers en 1994 et il devrait être entendu rapidement.

Retrouvé «semi-inconscient» dans une voiture, sans doute après avoir pris des médicaments, le suspect a été immédiatement placé en garde à vue médicalisée. «Tout semble montrer qu'il a tenté de se suicider», a expliqué le ministre français de Manuel Valls dans la nuit de mercredi à jeudi.

«Tous les faits aujourd'hui démontrent son implication», a déclaré M. Valls devant le 36 Quai des Orfèvres. Les résultats de l'analyse ADN avaient montré que M. Dekhar était bien celui qui avait tiré à Libération et La Défense, avant de prendre un automobiliste en otage.

Il a été trouvé vers 19h00 locales dans une voiture garée dans un parking souterrain de Bois-Colombes (banlieue nord-ouest), grâce au témoignage d'un homme qui l'hébergeait de temps en temps et qui a eu des «doutes» et des «inquiétudes», a raconté Christian Flaesch, le patron de la PJ.

Les enquêteurs ont pris certaines précautions, redoutant que le véhicule ou que le suspect soit piégé. «Il a été soigné, il sera sans doute sur pied très rapidement pour que l'enquête puisse se poursuivre et évidemment qu'il soit interrogé», a précisé M. Valls.

Abdelhakim Dekhar, surnommé «Toumi» à l'époque, avait été condamné à quatre ans de prison en 1998 pour avoir acheté le fusil à pompe qui avait servi à l'équipée sanglante qui avait fait cinq morts, dont trois policiers, le 4 octobre 1994 à Paris.

Cheveux courts et lunettes à la Malcom X, c'était au début des années 90 un habitué des squats fréquentés par la gauche radicale, souvent sous étroite surveillance policière.

«Pas sur les fichiers»

Lors du procès, Abdelhakim Dekhar, alors âgé de 33 ans, avait vainement tenté de persuader la cour qu'il était un agent en mission de la Sûreté militaire algérienne, chargé d'infiltrer les milieux autonomes pour en débusquer d'éventuels intégristes.Condamné exactement à la durée de sa détention provisoire, il avait été libéré dans la foulée.

Il est «probablement parti à l'étranger» sur la période qui a suivi, selon Manuel Valls, mais son parcours et ses motivations restent largement inconnues. Les enquêteurs devront aussi déterminer «pourquoi il n'était pas sur les fichiers qui auraient pu permettre de l'identifier».

Le profil génétique du tireur parisien avait été établi grâce à l'ADN détecté sur plusieurs scènes de crime depuis le début de la semaine.

Les empreintes génétiques ont permis aux enquêteurs d'acquérir la certitude qu'un même homme était l'auteur de l'attaque de lundi à Libération, où un assistant photographe a été grièvement blessé, des tirs qui ont suivi sans faire de victime à La Défense ainsi que de la prise d'otage d'un automobiliste dans la foulée.

Les enquêteurs sont également persuadés que c'est le même homme qui a fait irruption vendredi dernier au siège de la station de radio-télévision BFMTV, menaçant un de ses rédacteurs en chef.

Depuis l'appel à témoin lancé lundi soir et au fil de la diffusion d'images tirées de la vidéosurveillance montrant le tireur, des centaines de témoignages ont été recueillis.

Le jeune assistant photographe qu'il a blessé au thorax et à l'abdomen lundi à Libération «a pu être réveillé et sevré de ventilation artificielle», selon l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais restait «en réanimation pour une surveillance clinique».

Photo: AFP

Manuel Valls en conférence de presse jeudi matin.