Nadejda Tolokonnikova, l'une des deux jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire russe Pussy Riot, a repris vendredi sa grève de la faim après avoir quitté l'hôpital et avoir été renvoyée dans le camp où elle affirme avoir été menacée de mort.

«Aujourd'hui, Nadia (diminutif de Nadejda) a repris sa grève de la faim après avoir été transférée dans le camp IK-14», a annoncé son époux, Piotr Verzilov, dans un communiqué envoyé à l'AFP.

L'administration pénitentiaire a confirmé cette information.

«Le 17 octobre, la détenue Tolokonnikova a été transférée de l'hôpital au camp n°14. Son traitement est terminé. Le 18 octobre, elle a écrit une déclaration annonçant qu'elle refusait de s'alimenter», a indiqué dans un communiqué la direction de l'administration pénitentiaire de Mordovie (500 km à l'est de Moscou) où Tolokonnikova purge sa peine.

«Nous considérons son retour au camp comme une nette dégradation de sa situation», a déclaré M. Verzilov à la radio Echo de Moscou en affirmant que les autorités pénitentiaires avaient promis à ses avocats de la transférer dans un autre établissement.

«C'est une décision politique, une vengeance», a-t-il estimé.

Après son hospitalisation le 1er octobre, Nadejda Tolokonnikova avait interrompu sa grève de la faim entamée le 23 septembre pour protester contre des conditions dans son camp de travail qu'elle a décrites comme étant proches de l'«esclavage».

Elle accuse le directeur adjoint du camp, Iouri Kouprianov, de l'avoir menacée de mort après la publication de sa lettre sur les conditions de détention rappelant des témoignages sur le Goulag soviétique.

Selon elle, les prisonnières sont systématiquement humiliées et réduites à l'état d'«esclave», forcées de travailler 16 ou 17 heures par jour, privées de sommeil, et contraintes de vivre dans des conditions d'hygiène précaires.

Cette lettre a provoqué une vive polémique en Russie sur les conditions de détention dans le pays.

Le délégué du Kremlin chargé des droits de l'homme Vladimir Loukine s'est dit «choqué», par le fait que Mme Tolokonnikova soit retournée dans son camp, soulignant que les autorités pénitentiaires lui avaient promis de la transférer dans un autre établissement.

«Le service d'application des peines m'a menti. C'est regrettable», s'est-il indigné, cité par l'agence Interfax.

Lioudmila Alexeeva, présidente du groupe Helsinki de Moscou, s'est dite inquiète du sort de Nadejda Tolokonnikova.

«Il semble qu'elle n'ait pas d'autre solution. Elle ne peut faire rien d'autre que ruiner sa santé», a déclaré Mme Alexeïeva citée par l'agence Interfax.

Tolokonnikova purge avec une autre jeune femme une peine de deux ans de camp pour avoir chanté début 2012 une «prière punk» contre le président russe Vladimir Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.

Peu avant l'annonce de la reprise de la grève de la faim, l'autre Pussy Riot emprisonnée Maria Alekhina a retiré sa requête demandant un aménagement de sa peine, en signe de solidarité avec Tolokonnikova.

Devant un tribunal de Nijni Novgorod (Volga), Mme Alekhina a expliqué qu'elle n'avait «pas le droit moral» de faire une telle demande, compte tenu de la situation de Tolokonnikova.

«Je n'en ai pas le droit moral, alors que mon amie Nadejda Tolokonnikova n'a pas cette possibilité parce qu'elle est soit hospitalisée, soit se trouve dans ce camp dont on dit des choses horribles», a déclaré Mme Alekhina citée par l'agence Interfax.

«Si les autorités sont prêtes à me libérer avant terme, qu'elles le fassent dans le cadre d'une amnistie avec d'autres femmes ayant des enfants en bas âge», a-t-elle poursuivi.

Les deux jeunes femmes doivent rester en détention jusqu'à mars 2014.