Le secteur du tourisme suisse s'inquiète des conséquences du vote anti-burqa la semaine dernière dans le canton du Tessin et s'attend à un fort recul de la clientèle arabe.

Selon des professionnels interrogés par le journal SonntagsBlick, les touristes arabes, qui aiment passer leurs vacances en Suisse, pourraient décider de changer de destination après le vote tessinois de dimanche dernier.

«Peu de touristes font la différence entre le canton du Tessin et la Suisse dans son ensemble», a déclaré Bettina Bhend, porte-parole de l'office du tourisme de l'Oberland bernois, une région très prisée par la clientèle arabe.

«Une forte baisse de la clientèle du Moyen-Orient aurait des conséquences négatives pour toute l'économie de l'Oberland Bernois», a-t-elle ajouté.

Dans cette région du centre de la Suisse, les touristes du Moyen-Orient représentent 7,2% de l'ensemble des touristes, soit presque quatre fois plus qu'en 2006 (2%).

Pour Sybille Staehelin, qui propose des sorties en tandem en parapente dans la région, 80% de sa clientèle sont des femmes arabes. La plupart volent avec un foulard, et une minorité avec un niqab. Si la burqa devait être interdite sur l'ensemble du territoire suisse, comme le prévoient certains, cela «chasserait nos meilleurs clients», a-t-elle indiqué.

Pour les professionnels du tourisme, l'interdiction de la burqa a des répercussions bien plus grandes que celle de l'interdiction des minarets, votée il y a quelques années en Suisse, car les voyageurs se sentiraient limités dans leur liberté personnelle.

Depuis des années, les hôteliers suisses ont fait des efforts pour attirer la clientèle arabe, très appréciée en raison de son fort pouvoir d'achat.

Selon le SonntagsBlick, il n'y a plus d'alcools dans les minibars des chambres, un tapis de prière, avec une boussole intégrée est mis à disposition pour les clients arabes, et un Coran remplace la Bible dans le tiroir de la table de nuit.

Ces mesures font partie d'une campagne lancée par les hôtels de luxe à partir du 21 octobre pour attirer la clientèle arabe dans des établissements «muslim friendly».

La campagne est orchestrée par Peter Zombori, directeur général du voyagiste Premium Switzerland.

Il s'agit d'informer la clientèle arabe de tous les services offerts par les hôtels suisses particulièrement adaptés à leurs besoins, comme la vente de maillots de bain burkinis dans les boutiques des hôtels, ainsi que du personnel féminin dans les spas.

Ces craintes du secteur du tourisme suisse sont exagérées, selon Jean-François Rime, président de l'USAM (Union suisse des arts et métiers), qui défend les PME suisses.

La directrice de la Fédération suisse du tourisme Barbara Gisi pense tout le contraire. «Les touristes des États du Golfe (...) se demandent s'ils doivent venir en Suisse à l'avenir», s'inquiète-t-elle dans le SonntagsBlick.

«Une interdiction nationale de la burqa pourrait avoir un impact négatif», estime-t-elle.

Le Tessin est le premier canton suisse à avoir interdit le port du voile intégral en public. La France et la Belgique ont déjà adopté une telle législation.

La mesure tessinoise ne devrait entrer en vigueur que dans deux ans, car elle doit encore recevoir le feu vert du parlement suisse.