Les sociaux-démocrates allemands se réunissent vendredi à Berlin pour discuter de l'ouverture de négociations de coalition avec les conservateurs d'Angela Merkel, une perspective qui divise le parti.

La direction du parti devait recommander aux quelque 200 délégués réunis au siège du parti à partir de 18 h (midi à Montréal) d'entamer des «discussions exploratoires» avec l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière, selon des sources internes au parti.

Si les délégués suivent cette recommandation, la première rencontre entre les deux partis devrait se tenir dès la semaine prochaine, selon la presse.

Malgré son résultat élevé aux législatives dimanche dernier, Angela Merkel a besoin de nouer une alliance, soit avec le parti social-démocrate (SPD), soit avec les Verts, pour disposer d'une majorité au parlement et pouvoir gouverner. Elle a tendu la main au SPD lundi dernier et attend une réponse.

Les sondages montrent que les Allemands souhaitent majoritairement être gouvernés par cette «grande coalition».

Après son résultat décevant de dimanche (25,7 % des voix), le SPD était contraint de se pencher sur une éventuelle alliance avec son rival conservateur, avec qui il a déjà gouverné entre 2005 et 2009.

Mais les sociaux-démocrates sont divisés sur cette question, tant cet épisode de gouvernement commun leur a laissé de mauvais souvenirs. Le parti, soupçonné d'avoir renoncé à ses valeurs, a perdu une bonne partie de son électorat, enregistrant son plus mauvais score historique aux législatives de 2009.

La puissante fédération de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, emmenée par l'étoile montante du SPD, Hannelore Kraft, est ainsi opposée à une alliance avec la droite.

Devant le siège du parti, une petite manifestation a même réuni vendredi des opposants à une coalition avec le CDU.

Les discussions de coalition «risquent d'être les plus dures de l'histoire de la République fédérale» a prédit le quotidien populaire Bild. En 2005, quelque deux mois s'étaient écoulés entre les élections et la prise de fonction du gouvernement.

«Au sein du SPD, personne n'a envie d'aller dans cette coalition», a prévenu le vice-président du groupe parlementaire, Hubertus Heil. «Notre décision dépendra avant tout de la question de savoir si nous pouvons faire prévaloir nos convictions et nos contenus».

Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung, le président du SPD, Sigmar Gabriel, compte proposer un référendum au sein du parti sur le résultat d'éventuelles négociations avec les conservateurs.

Cette consultation des quelque 470 000 membres du SPD serait une première dans l'histoire de cette formation et devrait avoir lieu avant le congrès du parti à Leipzig, prévu du 14 au 16 novembre. La proposition pourrait désamorcer une éventuelle fronde au sein du parti, mais elle n'est pas sans risque car un vote positif n'est pas acquis.

Les conservateurs ont fait un premier pas en direction des sociaux-démocrates cette semaine, en ouvrant la porte à une discussion sur des hausses d'impôts pour les hauts revenus, qu'ils excluaient jusqu'ici.

Et «ils devront ouvrir d'autres portes», a estimé Andrea Römmele, politologue à l'université de Mannheim, dans un entretien à la télévision ARD, citant «le salaire minimum généralisé et les possibilités de places en crèche, thèmes chers au SPD».

Le SPD compte faire payer le prix fort pour sa participation éventuelle à un troisième gouvernement Merkel. Il est conscient que la chancelière a peu de marges de manoeuvre.

Une alliance avec les Verts, affaiblis après leur score piteux dimanche dernier (8,4 %), semble encore plus complexe à nouer, tant ces derniers sont éloignés des conservateurs sur les questions sociétales. Un grand écart avec la CSU, branche bavaroise de la CDU, paraît particulièrement difficile.

Les sociaux-démocrates pourraient exiger d'obtenir le ministère des Finances, comme l'a suggéré le député SPD Johannes Kahrs, dans un entretien à la radio Deutschlandfunk.

Lors de la dernière «grande coalition», ils avaient obtenu ce portefeuille, confié à Peer Steinbrück, leur tête de liste aux législatives de dimanche.

Dans un sondage diffusé vendredi par la télévision publique ARD, 48 % des personnes interrogées plaident pour une grande coalition, et seuls 18 % souhaitent un gouvernement réunissant les conservateurs et les Verts.