La fille du roi d'Espagne, l'infante Cristina, a obtenu un répit mardi lorsque la justice a suspendu sa mise en examen dans l'affaire de corruption qui vise principalement son mari et a plongé la monarchie dans une crise sans précédent.

Le tribunal de Palma de Majorque, aux Baléares, a annoncé qu'il «suspendait, pour le moment» la mise en examen décidée par un juge d'instruction ainsi que l'audition de l'infante, à la suite d'un recours déposé par le Parquet anticorruption qui avait estimé les indices «inexistants».

La mise en examen de Cristina, septième dans l'ordre de succession au trône d'Espagne, après celle de son époux, Iñaki Urdangarin, à la fin 2011, a ouvert pour la monarchie une crise inédite depuis l'arrivée sur le trône du roi Juan Carlos, deux jours après la mort du dictateur Francisco Franco le 20 novembre 1975.

Aux ennuis de santé répétés du roi, âgé de 75 ans, s'est ajouté, en avril 2012, un scandale né d'une coûteuse partie de chasse au Botswana, à la suite de laquelle le souverain avait dû présenter des excuses au pays. Un faux pas que l'Espagne, plongée dans une crise économique gravissime, ne lui a pas pardonné.

Au fil des mois, ces différentes affaires ont fait chuter la popularité de la monarchie et relancé les interrogations sur une éventuelle abdication du roi au profit de son fils, le prince Felipe.

Le scandale, qui couvait depuis un an et demi, a frappé le 3 avril au coeur la famille royale lorsque le juge José Castro, qui instruit au tribunal de Palma une affaire de corruption impliquant Iñaki Urdangarin, a décidé de mettre en examen l'infante.

Le magistrat soupçonnait Cristina, âgée de 47 ans, d'avoir «coopéré» avec son époux et d'avoir pu «consentir à ce que son lien de parenté avec le roi Juan Carlos soit utilisé par son mari».

Le Parquet anticorruption avait fait appel de cette mise en examen, rejoint peu après par la défense de l'infante. Le tribunal, qui devait se prononcer le 20 mai, a avancé à mardi sa décision.

Dans son arrêt, le tribunal a décidé de laisser «sans effet la convocation de l'infante à comparaître en qualité de mise en examen pour les faits que lui attribue la décision de justice ayant fait l'objet d'un appel, en lien avec sa participation aux activités présumées délictueuses de l'institut Noos».

Le tribunal explique avoir «suspendu, pour le moment, la mise en examen».

Mais, ajoute l'arrêt, une nouvelle mise en examen pourrait être décidée, au vu de la poursuite de l'enquête, sur un «possible délit de fraude fiscale et/ou pour blanchiment d'argent».

L'instruction menée par le juge Castro porte sur le détournement de six millions d'euros d'argent public, pour lequel Iñaki Urdangarin ainsi que son ex-associé, Diego Torres, sont mis en examen.

Le gendre du roi, un ancien champion olympique de handball reconverti en homme d'affaires, présidait entre 2004 et 2006 l'institut Noos, une société de mécénat qui passait des contrats avec les autorités régionales des Baléares et de Valence pour l'organisation ou la promotion de congrès liés au sport, et par laquelle auraient transité les sommes détournées.

L'infante était elle aussi, jusqu'en 2006, membre de la direction de l'institut.

Pour le tribunal, le fait que le nom de Cristina figure dans un dépliant informatif sur Noos et son appartenance au comité de direction, «constituent une forme d'influence, mais pas d'une portée telle» que cela puisse constituer un délit de trafic d'influence.

En revanche, les trois magistrats ayant rendu cet arrêt suggèrent au juge Castro qu'il poursuive ses investigations à la suite d'un rapport demandé à l'administration fiscale, qui pourrait éventuellement servir de fondement à une nouvelle mise en examen.

La Maison royale, qui avait ouvertement approuvé le recours déposé par le Parquet, a exprimé mardi son «plus grand respect» pour la décision de justice. L'infante Elena, la soeur aînée de Cristina, s'est dite elle «très heureuse» de cette décision.