Les militants de l'Arche de Zoé qui avaient tenté en 2007 d'emmener illégalement en France une centaine d'enfants présentés comme des victimes de la crise du Darfour doivent répondre de leurs actions devant la justice française.

Le procès de six membres de l'organisation humanitaire s'est ouvert lundi à Paris en l'absence du principal accusé, Éric Breteau, et de sa conjointe, Émilie Lelouch. Le duo, installé aujourd'hui en Afrique du Sud, a fait savoir qu'il n'avait «pas envie de s'expliquer» et ne se ferait pas représenter.

Leur avocate, Céline Lorenzon, a déclaré à l'hebdomadaire L'Express qu'ils avaient l'impression de ne pas avoir été entendus jusqu'à maintenant par la justice et les médias et craignaient «que le même phénomène se reproduise devant le tribunal» correctionnel de Paris.

Elle a souligné que les responsables de l'Arche de Zoé avaient été condamnés par la justice tchadienne à la fin de 2007 pour les faits en cause et ne devaient pas être jugés une seconde fois.

Le site internet de l'organisation, moins policé, relève que les procédures parisiennes constitueront sans doute un «nouveau simulacre de procès» après celui tenu au Tchad et reflèteront les conclusions d'une enquête menée «uniquement à charge».

La présidente du tribunal, Marie-Françoise Guidolin a décrié la «lâcheté» d'Éric Breteau à l'ouverture du procès, relevant qu'il avait entraîné les autres bénévoles dans cette «galère» et devrait être présent pour s'expliquer.

Le groupe est accusé «d'exercice illicite de l'activité d'intermédiaire pour l'adoption, aide au séjour irrégulier et escroquerie».

Une infirmière qui s'était jointe à l'équipe de l'Arche de Zoé en 2007 a témoigné lundi de la détresse ressentie après l'arrestation des membres de l'organisation. Elle a déclaré qu'elle avait été bernée par Éric Breteau, décrit comme un «manipulateur en puissance».

Un enlèvement audacieux

L'expédition de l'Arche de Zoé devait officiellement permettre de venir en aide à des orphelins soudanais victimes du conflit au Darfour. Ses dirigeants ont identifié, avec l'aide d'intermédiaires locaux, une centaine d'enfants qui devaient partir en avion du pays voisin, le Tchad, pour être accueillis par des familles françaises.

Les autorités tchadiennes ont intercepté l'appareil peu avant son départ d'Abéché, dans l'est du pays africain, déclenchant une tempête politico-médiatique.

Le président Idriss Déby a dénoncé alors dans les termes les plus vigoureux l'action de l'organisation en relevant que les enfants étaient peut-être destinés à un trafic d'organes ou un réseau de pédophiles.

Une vérification menée par l'UNICEF a permis de conclure que 91 des 103 enfants pris en charge n'étaient pas des orphelins et que la quasi-totalité vivait au Tchad et non au Soudan.

Six membres de l'Arche de Zoé ont été condamnés sur place à huit ans de travaux forcés avant d'être transférés vers la France, en vertu d'une convention liant les deux pays. Ils ont été libérés quelques mois plus tard après avoir été graciés par le président tchadien, qui nie aujourd'hui avoir accordé son pardon.

L'État africain réclame le versement d'une indemnisation de six millions d'euros relativement à cette affaire, qui devrait être évoquée aujourd'hui lors d'un sommet prévu à Paris entre Idriss Déby et le président français, François Hollande.

Chasser les islamistes

Les deux dirigeants doivent aussi discuter de la participation éventuelle du Tchad à une force militaire devant être déployée dans le nord du Mali pour chasser les groupes islamistes contrôlant ce territoire.

L'Élysée entend aussi aborder le sort d'un dissident tchadien arrêté par le régime en février 2008 à l'occasion d'un coup d'État manqué. La France était intervenue à l'époque pour bloquer l'avancée de rebelles soutenus par le Soudan.