La France entend emboîter prochainement le pas à une dizaine de pays en autorisant le mariage homosexuel. Le gouvernement socialiste doit cependant composer avec une fronde de maires conservateurs qui menacent de ne pas respecter la loi, relate notre journaliste.

Le gouvernement français, qui souhaite légaliser prochainement le mariage homosexuel comme l'avait promis en campagne le président François Hollande, est confronté à une singulière insurrection.

Plusieurs maires, souvent inspirés par leurs convictions religieuses, préviennent qu'ils refuseront de pratiquer de tels mariages même s'ils sont tenus de le faire à titre de représentants de l'État.

C'est le cas notamment du maire d'extrême droite de la ville d'Orange, Jacques Bompard, qui a lancé récemment une pétition en vue de réclamer un «droit de retrait» pour les maires opposés aux mariages de personnes de même sexe. Il affirme avoir recueilli plus de 1000 signatures.

«C'est une loi qui touche à la structure même de notre société en même temps qu'à la conscience de chacun. À ce titre, il n'est pas admissible qu'un élu se trouve privé de la liberté primordiale de ne pas cautionner ce qui ne correspond pas à son éthique», a écrit M. Bompard à l'appui de sa démarche.

Un autre élu, Xavier Lemoine, a également exprimé à la radio son intention de braver la loi au risque de faire de la prison ou d'être destitué. Il a précisé que les maires ne pouvaient transgresser des «principes fondamentaux qui vont bien au-delà des lois que les hommes peuvent se donner à un moment ou un autre».

Réagissant à la fronde, le premier ministre Jean-Marc Ayrault s'est dit confiant cette semaine que les maires «qui représentent l'État [...] seraient soucieux de respecter la loi votée par la République».

»Du chantage»

Les menaces de «désobéissance civile» avancées par les élus opposés au mariage homosexuel irritent l'Inter-LGBT, qui représente les personnes «lesbiennes, gaies, bi et transidentitaires». Son porte-parole, Nicolas Gougain, déplore que certains élus cherchent à «faire du chantage en amont de la loi».

Seule une fraction d'entre eux seront dans les faits appelés à pratiquer des mariages homosexuels et ils pourront le cas échéant confier la tâche à un adjoint, note M. Gougain, qui juge «assez inquiétant» de voir des représentants de l'État évoquer leurs convictions personnelles en vue de se soustraire à leurs obligations.

Frank Riester, député homosexuel membre de l'UMP, parti de la droite traditionnelle, pense que les maires se doivent, à titre de représentants de l'État, «d'appliquer la loi».

Les menaces de désobéissance émanant de certains élus reflètent une «stratégie de communication» plus qu'un réel problème, souligne M. Riester, qui fait peu de cas des discours alarmistes avancés par certains de ses collègues au sujet de la légalisation du mariage homosexuel.

«On voit bien qu'il n'y a pas eu de conséquences dramatiques dans les pays qui ont déjà légiféré en ce sens. Ces pays ne sont pas à feu et à sang», ironise-t-il.

Projet de loi

Le projet de loi français, qui doit être discuté avant la fin du mois par le Conseil des ministres avant de se retrouver à l'Assemblée nationale, précisera que le «mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe». Le droit à l'adoption doit être ouvert aux couples homosexuels mariés «dans un cadre identique à celui actuellement en vigueur».

M. Ayrault a précisé que certaines questions plus controversées, comme l'accès à la procréation médicalement assistée, pourraient être débattues ultérieurement dans une loi sur la famille.

Certains élus socialistes ont cependant fait savoir qu'ils espéraient faire voter un amendement afin d'élargir la portée de la loi, considérée pour l'heure comme une version «a minima» par l'Inter-LGBT.

Le gouvernement doit notamment composer avec l'opposition de l'Église catholique, qui fait campagne contre la légalisation du mariage homosexuel. L'archevêque de Lyon a soulevé une controverse récemment en disant qu'une telle mesure pourrait mener à l'acceptation de la polygamie et de l'inceste.

Les couples homosexuels français peuvent déjà, comme les couples hétérosexuels, se lier par un «pacte civil de solidarité» (PACS). L'élargissement de l'accès au mariage civil représente un pas de plus vers l'égalité et ne concerne en rien les organisations religieuses, note M. Gougain, qui juge déplacée leur intervention dans le dossier.

Selon un récent sondage, 65% des Français sont favorables au mariage homosexuel. La population est plus partagée sur l'adoption puisque 53% souhaitent qu'elle soit autorisée pour les couples homosexuels.