L'hypothèse d'un retour en politique active de Silvio Berlusconi est évoquée en Italie. L'ex-premier ministre italien, qui a dû céder son poste à l'économiste non élu Mario Monti en novembre dernier, fait depuis l'été régulièrement les manchettes en Italie avec des commentaires contradictoires sur son appui aux réformes de M. Monti.

Lundi soir sur l'une des chaînes de télévision, Canale 5, le Cavaliere a du même coup affirmé qu'il ne serait pas candidat aux élections italiennes prévues au printemps et qu'il était en contact «avec diverses personnalités» pour créer un bloc de centre droit et éviter que le Bel paese «soit livré à la gauche».

L'hebdomadaire allemand Der Spiegel a consacré à la mi-septembre un long article à la possibilité que M. Berlusconi remporte les élections. Il est au plus bas dans les sondages, mais a ressuscité à deux reprises après une mort politique annoncée, en 1995 et en 2008, note le Spiegel sur un ton catastrophé.

Cette hypothèse a été paradoxalement renforcée par un discours de M. Monti à New York, à la fin du mois de septembre, dans lequel il a évoqué la possibilité de rester en poste après les élections du printemps, si la demande lui en était faite. Tant la gauche, qui tiendra sous peu des primaires, que M. Berlusconi tentent d'associer à leur camp M. Monti.

«Berlusconi reste le porte-parole des petites entreprises italiennes», explique Luigi Zingales, un économiste italien qui enseigne à l'Université de Chicago, qui est chroniqueur pour le quotidien financier milanais Il Sole 24 Ore et qui fait partie du mouvement Fermare il declino (Arrêter le déclin).

«Il est incontournable pour s'adresser à cette portion de la droite, dit M. Zingales. Cela dit, je vois mal comment il pourrait faire cavalier seul et recréer la coalition qui l'a porté au pouvoir à trois reprises. Il faudrait qu'il cède au populisme extrémiste anti-euro. J'ai été surpris qu'il n'y ait pas davantage recours. Mon hypothèse est que ses entreprises ont beaucoup de dettes en euro à l'étranger et qu'une sortie de l'euro serait catastrophique pour lui.»

L'Italie du bien-être

Manlio Graziano, un historien turinois qui enseigne à la Sorbonne et qui a publié l'an dernier en anglais le livre The Failure of Italian Nationhood, estime que M. Berlusconi fera nécessairement partie d'une coalition pro-euro italienne. «Les rivalités gauche-droite s'estompent en Europe, dit M. Graziano. Les électeurs ont de plus en plus le choix entre un centre favorable à l'Union européenne et des extrêmes gauche et droite qui s'y opposent. Berlusconi représente mieux que quiconque l'Italie du bien-être, de l'enrichissement facile.»

Le spectre d'un retour au pouvoir de M. Berlusconi est peut-être agité comme un épouvantail pour rendre l'Allemagne plus malléable dans la prise en charge par l'Union européenne des dettes nationales des pays méditerranéens, avance Domenico Conti, journaliste financier à l'agence de presse italienne Ansa.

Silvio Berlusconi semble pour le moment décidé à recomposer son parti sur une base plus personnelle, sans ses alliés de l'Alliance nationale (post-fasciste) et de la Ligue du Nord (décentralisatrice), selon Franco Pavoncello, politologue et président de l'Université John Cabot à Rome. «Je pense qu'il a été choqué de constater les sentiments négatifs qui l'ont poussé à laisser sa place à Mario Monti en novembre dernier, dit M. Pavoncello. Il ne veut pas revivre ça. De plus, un scandale d'abus de fonds publics impliquant des membres de son parti dans la région du Latium lui complique la vie. Mais avec lui, tout est possible.»

M. Berlusconi a eu à plusieurs reprises maille à partir avec la justice italienne pour des affaires de corruption impliquant ses entreprises, mais il a souvent utilisé les prescriptions pour s'en tirer. Ses relations avec plusieurs femmes ont aussi fait scandale et il subit présentement un procès impliquant une starlette qui était mineure pendant qu'elle le fréquentait, début 2010.