Des milliers de chômeurs espagnols ont manifesté samedi soir à Madrid, dernier épisode d'une vague de manifestations de colère contre la politique de rigueur du gouvernement, alors que l'inquiétude monte concernant la stabilité financière du pays et la survie de l'euro.

Le cortège a parcouru sans incident le centre de la capitale espagnole au lendemain d'une journée noire pour la situation économique et financière de l'Espagne: le gouvernement a prévenu que la récession se poursuivrait jusqu'en 2013 et que les taux d'intérêt des obligations espagnoles grimperaient à des niveaux dangereux.

Jeudi déjà, des centaines de milliers d'Espagnols --notamment des pompiers, des policiers, des infirmières et des enseignants-- avaient battu le pavé de plusieurs villes du pays.

Des milliers de chômeurs venus de toute l'Espagne ont cette fois convergé sur la capitale, certains après avoir fait du stop sur des centaines de kilomètres, et ont marché durant l'après-midi pour se rendre sur la place de la Puerta del Sol, le centre névralgique des revendications sociales en Espagne.

«Ils nous pissent dessus et nous disent qu'il pleut», pouvait-on lire sur une banderole déployée par la foule.

«Je ne peux pas me serrer la ceinture et baisser en même temps mon pantalon», proclamait une autre.

«Haut les mains, ceci est un hold-up!», criaient les manifestants en reprenant l'un des slogans des manifestations de ces derniers jours.

«Debout tout le monde, et battons-nous!», scandaient-ils encore.

Ces rassemblements sont quasiment quotidiens depuis l'annonce du premier ministre Mariano Rajoy le 11 juillet de coupes budgétaires de 65 milliards d'euros comprenant une réduction des salaires de la fonction publique et des indemnités de chômage.

Les rassemblements de jeudi ont été pour la plupart pacifiques, mais à la fin de l'un d'eux, sur la Puerta del Sol, la police a tiré des balles en caoutchouc et a cherché à disperser plusieurs petits groupes à coups de matraque.

Les manifestants soutiennent que les efforts de réduction du déficit espagnol sont injustement concentrés sur les classes populaires et ne feront que plonger l'économie espagnole dans la récession.

Le gouvernement a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2013 vendredi, de +0,2% à -0,5%, dans un contexte de chômage élevé, à plus de 24%.

Il soutient qu'il n'a pas d'autre choix que de faire appliquer des mesures d'économies drastiques au vu du déficit public très élevé du pays.

La région espagnole de Valence a également annoncé vendredi avoir demandé l'aide de l'État espagnol, via un nouveau fonds public dédié, admettant souffrir d'un manque de liquidités, alors que les régions endettées sont source de vives inquiétudes sur les marchés financiers.

En réaction à ces annonces, la Bourse de Madrid a plongé de près de 6%, tirée vers le bas par des actions bancaires n'ayant trouvé aucun soutien dans le plan de sauvetage de la zone euro pour le secteur financier espagnol, finalisé par les ministres européens des Finances vendredi.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz a mis en garde samedi contre la menace d'«une explosion sociale en Europe» sur fond de grogne en Espagne, empêtrée dans la crise, dans un entretien au quotidien allemand Bild publié samedi.

De son côté, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a estimé, dans un entretien au journal dominical Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, que si le gouvernement espagnol poursuivait sa politique de réformes, les gens allaient «bientôt voir la lumière à la fin du tunnel».