Sur une place d'Athènes en face du ministère de la Défense, le porte-parole du parti néonazi Aube Dorée Ilias Kasidiaris monte à la tribune sous un tonnerre d'applaudissements. Son fait d'armes : il y a une semaine, il frappait une députée communiste en direct lors d'un débat télévisé.

L'élu ultranationaliste vêtu de noir s'apprête à entamer son meeting électoral. Soudain une voix improvise un slogan repris par d'autres, sous les rires de l'assemblée : «Un autre coup de poing à la lesbienne !» Sourire entendu de l'intéressé. Musique martiale, drapeaux grecs bleu et blanc brandis vers le ciel, le show peut commencer.

À l'approche de législatives cruciales pour le sort du pays dans la zone euro, quelques centaines de badauds sont venus écouter Aube Dorée (Chryssi Avghi). Obscur groupuscule il y a encore peu, ce parti régulièrement mis en cause pour des agressions racistes a fait irruption au Parlement début mai en récoltant 6,9% des voix (21 sièges sur 300), lors d'un scrutin qui a sanctionné les partis traditionnels.

Et ses partisans espèrent un score meilleur encore dimanche, dans un climat plus incertain que jamais en Grèce, engluée dans la récession et soumise à une sévère cure de rigueur qui exaspère la population.

«J'espère qu'on fera 10%», lance Vassilis Bardis, 43 ans, agent de sécurité lourdement tatoué. Derrière lui, une banderole : «Requins créanciers, bas les pattes de la Grèce.»

L'autre cheval de bataille des militants est l'immigration. «On n'a rien contre les immigrés, mais il faut qu'on protège notre pays», avance Vassilis.

Galvanisé, Panos, 30 ans, scande avec ferveur : «Cette patrie est la nôtre», «les étrangers dehors».

«Jean-Marie Le Pen n'est pas aussi fort que nous. Nous sommes plus extrêmes», assure fièrement l'ingénieur.

Autour de lui, quelques crânes rasés à la mine patibulaire, mais aussi des habitants de ce quartier aisé ainsi que des grappes de jeunes, tentés par un vote extrême à l'heure où plus de la moitié de leur génération est au chômage en Grèce.

«Je ne suis pas fan des hooligans, mais j'aime les idées d'Aube Dorée», explique George, tout juste en âge de voter. «Je ne suis pas pour la barbarie contre les immigrés, mais on n'a pas de travail pour eux. La Grèce aux Grecs.»

Stravroula, 22 ans, assure faire le tour des meetings électoraux «pour se faire une idée». L'apprentie infirmière ne semble pas exclure le vote ultranationaliste, malgré la violence revendiquée de Chryssi Avghi.

«Il n'y plus d'espoir pour les jeunes ici. Je vais peut-être devoir chercher du travail à l'étranger», soupire-t-elle.

A-t-elle été choquée par les coups contre la députée qui valent des poursuites au porte-parole d'Aube Dorée ? Réponse ambiguë : «Rien n'arrive par hasard. En fait, ça m'est égal.»

Pour un autre élu et candidat du parti, Ilias Panagiotaros, l'incident, loin d'avoir rebuté les électeurs, est du pain bénit.

«M. Kasidiaris s'est défendu, cette femme l'a attaqué. La plupart des Grecs approuvent. Pour notre parti, cela a eu un effet Red Bull», une boisson énergisante, assure-t-il à la presse.

Derrière lui, un gros bras éructe en entendant un journaliste parler de «néonazis» : «On n'est pas des nazis ! Qui est le connard qui dit ça ? On est des nationalistes!»

Le meeting touche à sa fin. La petite foule entonne l'hymne national. Au premier rang, une demi-douzaine de militants durs font le salut hitlérien, ostensiblement.

Eva, 22 ans, étudiante en psychologie et visage d'ange, quitte le rassemblement ravie. «Ils ont raison sur toute la ligne.»