Le frère de Mohamed Merah, l'auteur des tueries du sud-ouest de la France, un jeune engagé comme lui dans l'islam radical, était samedi au centre de l'enquête sur les sept assassinats de son cadet qu'il a nié avoir aidé, mais dont il s'est dit «fier».

«Son frère est au coeur de notre enquête pour reconstituer le parcours de Mohamed Merah et tenter de déterminer s'il y avait ou non une structure derrière eux», a expliqué une source proche de l'enquête.

En garde à vue depuis mercredi, Abdelkader Merah, 29 ans, et sa compagne ont été transférés samedi de Toulouse au siège de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) à Levallois-Perret, près de Paris.

Pendant les auditions, le jeune homme s'est dit «fier» des actes de son cadet, un délinquant de 23 ans reconverti en moujahid passé par l'Afghanistan et le Pakistan et se réclamant d'Al-Qaïda, a indiqué une source policière.

Mais il a nié l'avoir aidé à abattre froidement trois enfants et un enseignants juifs, et trois militaires entre le 11 et le 19 mars à Toulouse et Montauban.

Mohamed Merah était seul quand il a tué ses victimes. Mais la police cherche à savoir si son frère lui a apporté une aide financière ou logistique. Selon une source policière, l'aîné a notamment fait, pour le compte de son cadet, des achats dont il reste à déterminer la nature.

Il était présent au moment du vol du puissant scooter avec lequel le tueur circulait lorsqu'il a abattu ses victimes. Une complicité pourrait lui être reprochée pour ce vol, selon une source policière.

Il a aussi affirmé avoir accompagné son frère chez le concessionnaire Yamaha, où il s'était rendu le 6 mars pour demander en vain comment désactiver le système de géolocalisation du deux-roues.

Sa garde à vue devait s'achever dimanche matin et il devrait dans la foulée être présenté à un juge. Sa compagne également «réfute toute incrimination dans l'affaire», a déclaré samedi son avocat Me Guy Debuisson, à la chaîne de télévision BFMTV.

Pour le moment, l'examen du contenu des ordinateurs d'Abelkader Merah n'a rien révélé de probant et la perquisition de son domicile n'a permis de découvrir ni arme ni explosif, a-t-on ajouté de même source.

Mais les enquêteurs restent prudents. L'homme est connu des services de police pour son engagement de longue date dans l'islam radical. «Salafiste et fondamentaliste religieux convaincu», selon une source policière, il aurait pu, comme son cadet, faire des voyages dans les zones tribales pakistanaises.

Mercredi, le procureur de Paris François Molins expliquait qu'il était «apparu en 2007 comme impliqué» dans une filière d'acheminement de jihadistes en Irak, sans toutefois être inculpé.

Deux jeunes avaient été arrêtés en Syrie au moment de passer en Irak et un coup de filet en France avait permis d'interpeller onze hommes (dont huit devaient être condamnés en 2009 à des peines de six mois à six ans de prison).

L'un des deux jeunes arrêtés en Syrie s'est retrouvé apparenté à la famille Merah, son père partageant la vie de la mère d'Abdelkader et Mohamed.

Tous ont gravité à un moment ou un autre autour de la communauté d'Artigat (Ariège, sud-ouest) dirigée par un Franco-Syrien Olivier Corel, 65 ans. Ce dernier a confirmé à l'AFP recevoir des jeunes qui venaient le consulter pour, selon lui, mieux comprendre l'islam.

Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, avait décrit Mohamed Merah comme un petit délinquant qui s'est radicalisé «dans un groupe d'idéologie salafiste» toulousain, groupe qui n'était toutefois pas soupçonné par les services d'entretenir de projet criminel.

Avant d'être abattu par les policiers jeudi, le tueur avait déclaré aux négociateurs du Raid (unité d'élite de la police) avoir agi seul.

Il a également dit qu'il avait acheté ses armes «grâce à des cambriolages (...) qu'il faisait pour se procurer de l'argent» et qu'«il les aurait payées 20.000 euros», a déclaré samedi le coordinateur national du renseignement, Ange Mancini à BFM-TV.

La police a identifié celle utilisée lors des tueries, un pistolet automatique Colt 45 de calibre 11,43 mm, selon une source judiciaire.

Également placée mercredi en garde à vue, mais relâchée vendredi soir, la mère de Mohamed Merah, Zoulika Aziri, s'est de son côté déclarée rongée par «la culpabilité et le remords», en colère contre son fils et contre elle-même pour ne pas avoir pu l'empêcher de se lancer dans cette entreprise meurtrière, selon son avocat Me Jean-Yves Gougnaud.

Cependant, à Rouen (nord-ouest), à Meyzieu et Lyon (centre-est), des centaines de personnes ont défilé pour rendre hommage à deux des militaires tués, Imad Ibn Ziaten et Mohamed Legouad. «C'était un mec bien, un ami. C'est arrivé dans notre pays, en France. C'est horrible», s'est lamentée Karine Ruffinella, voisine de la famille Ziaten.

Deux autres marches en souvenir des victimes sont prévues dimanche à Paris et Toulouse.

Alors que le pouvoir et la police font face aux critiques sur les failles de la surveillance antiterroriste et sur les conditions de l'assaut après un siège de 32 heures, le président Nicolas Sarkozy est monté en première ligne pour défendre l'opération.

«Je ne laisserai personne remettre en cause l'honneur du Raid et des forces de police qui ont mis fin» à «la trajectoire d'un individu monstrueux», a-t-il lancé au cours d'une réunion dans la banlieue parisienne.

Il avait dans la matinée réuni autour de lui plusieurs ministres et les directeurs de la police nationale, des renseignements intérieurs (DCRI) et extérieurs (DGSE).