Un gel contenant un additif de carburant, des enveloppes qui suintent et une entreprise qui ignore les risques: les révélations en cascade sur les implants mammaires de la société française PIP alimentaient lundi la psychose.

Pas un jour sans l'annonce de l'ouverture d'une enquête, comme ce week-end en Italie, demande d'information ou nouvelle plainte. Les avocats de femmes porteuses de ces prothèses défectueuses réclament de nouvelles analyses à l'Agence française de sécurité sanitaire (AFSSAPS), qui avait réalisé les premiers tests ayant conduit au retrait du marché des implants PIP en mars 2010.

Selon la radio RTL, les prothèses de l'entreprise Poly Implant Prothèse (PIP) contenaient un mélange de produits commandés à de grands groupes de chimie industrielle, dont l'additif pour carburant Baysilone, sans que leur éventuelle nocivité sur l'organisme n'ait fait l'objet de tests cliniques.

L'avocat de Jean-Claude Mas, le fondateur de PIP visé en France par deux enquêtes judiciaires, pour «tromperie aggravée» et «homicides involontaires», et en Italie pour «fraude commerciale» et «vente de produits dangereux», a immédiatement démenti la présence de composants industriels.

Ces révélations «n'ont pas de sens», a dit à l'AFP Me Yves Haddad. «Il s'agit de produits alimentaires, utilisés dans la composition des produits de beauté».

Au contraire, les victimes voient leurs inquiétudes renforcées.

«D'après l'AFSSAPS, on savait qu'il s'agissait d'un gel impropre, utilisé dans l'alimentaire et l'informatique», a expliqué le médecin-conseil d'une association de porteuses d'implants PIP, Dominique-Michel Courtois.

Mais «on ne pouvait pas penser que le gel ait pu contenir un additif pour carburants. C'est pourquoi on réclame des analyses de prothèses directement prélevées sur les patientes», a ajouté l'un des avocats des plaignantes, Me Philippe Courtois.

Des analyses à l'étranger sont aussi nécessaires, selon lui, après la révélation d'un taux de rupture des prothèses plus élevé en Grande-Bretagne.

Plus de 2500 plaintes ont déjà été déposées en France, où environ 30 000 femmes sont porteuses de ces prothèses. Vingt cas de cancers ont été déclarés parmi ces femmes, sans qu'un lien n'ait pu être établi à ce jour avec le fait de porter des implants PIP.

L'AFSSAPS avait mis en évidence en mars 2010 un gel non conforme dans ces prothèses, avec un risque élevé de rupture des enveloppes et de suintement du gel.

Des échanges de courriels et des rapports émis au sein de la société, consultés par l'AFP, indiquent que ce risque de rupture était connu depuis longtemps, alors que Jean-Claude Mas a toujours nié la toxicité de ses produits pour la santé.

«Encore une! Nouvelle rupture d'enveloppe gel implantée en 2003 (...) Toujours pas d'explications?», «Comment se fait-il qu'en ouvrant une boîte le chirurgien constate un trou, donc une fuite de gel?», «Si un problème d'enveloppe éclatait, je vous laisse deviner la suite», rapportent des commerciaux en 2005 et 2006.

«Le chiffre d'affaires est plus important que la constitution des enveloppes», leur rétorque alors une responsable du marketing.

La justice soupçonne les dirigeants de PIP, en proie à des difficultés financières, d'avoir fait des économies sur la fabrication.

Selon un ancien de PIP, l'enveloppe des prothèses avait aussi été modifiée pour n'utiliser qu'un seul composant, au risque d'accroître le taux de déchirure.

Reste à savoir comment l'entreprise a pu contourner les contrôles.

«D'après ce que nous a dit un employé, le gel pour lequel PIP avait reçu une autorisation, était stocké dans des cuves pour les contrôles, tandis qu'un autre, moins cher, lui était substitué dans la fabrication», avait expliqué un avocat à l'AFP en juin 2010.

«On ne connaît pas encore la composition de ce gel et on peut se poser des questions sur sa nocivité», avait-il ajouté.

L'entreprise PIP, en faillite depuis mars 2010, produisait jusqu'à 100 000 prothèses par an, dont 84% partaient à l'exportation, notamment en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne.