L'URSS a cessé d'exister le 8 décembre 1991. Ce jour-là, sous la direction de Boris Eltsine, la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie ont proclamé unilatéralement la fin de l'Union soviétique.

Du jour au lendemain, les 15 anciennes républiques ont remplacé le drapeau soviétique par de nouveaux drapeaux nationaux, parfois tout juste inventés. Le Parti communiste - au pouvoir pendant 70 ans - est sorti par la porte d'en arrière.

Vingt ans plus tard, pas la peine de chercher dans les journaux de Russie ou du Kazakhstan l'annonce d'une grande fête pour commémorer la fin de l'Union des républiques socialistes soviétiques. Aux États-Unis, au Canada et en Europe, on a vu dans l'implosion soviétique la victoire de la liberté et de l'économie de marché. En revanche, dans les anciennes républiques soviétiques, la liesse a été modeste et de très courte durée.

C'est une population tétanisée qui a assisté à la chute de l'Empire rouge et à la transition qui a suivi et qui allait plonger la majorité des 290 millions d'ex-Soviétiques dans la pauvreté. En quelques mois, l'inflation a atteint des sommets records, les usines ont fermé par milliers, les emplois stables garantis par le régime communiste se sont envolés et de nouvelles mafias ont commencé à imposer leur loi de la mer Baltique à l'océan Pacifique.

Parallèlement, le processus de «désoviétisation» politique s'est mis en branle. Dans plusieurs cas, les anciens leaders communistes ont retourné leur veste pour devenir les nouveaux héros de la «démocratisation».

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la Volga depuis cette période d'incertitude et de mutation. Deux décennies d'avancées et de reculs politiques et économiques. De révolutions de couleur - orange en Ukraine, rose en Géorgie, couleur des tulipes au Kirghizstan. De libertés regagnées pour être souvent de nouveau perdues dans l'ascension de régimes autocratiques.

Deux décennies qui ont profondément transformé la vie des anciens Soviétiques redevenus russes, géorgiens, kirghizes, kazakhs, turkmènes...

C'est pour mesurer l'ampleur de ces changements que notre journaliste, Laura-Julie Perreault, a fait, le mois dernier, une tournée de trois anciennes républiques soviétiques: la Russie, la Géorgie et le Kirghizstan.

Elle n'en était pas à son premier séjour. Laura-Julie avait 20 ans tout ronds lorsqu'elle est débarquée en Russie et dans les républiques baltes d'Estonie, de Lituanie et de Lettonie pour la première fois, au milieu des années 90.

Fascinée par le processus de transition, elle est retournée maintes fois dans l'ancien espace soviétique: elle a étudié le russe, puis a été professeure de français dans une université moscovite et stagiaire au bureau de CNN à Moscou. Devenue journaliste à La Presse, elle a fait une grande tournée de 10 des anciennes républiques en 2001 et 2002, 10 ans après l'effondrement de l'empire.

Au cours de ses multiples séjours, elle a fait la connaissance de squatteurs bouddhistes, d'anciens agents du KGB, de politiciens ambitieux, d'artistes mondains, de nomades kirghizes, de réfugiés tchétchènes, de prostituées turkmènes et d'héritiers de Staline. Dix ans après son dernier voyage dans la région, elle a rendu à nouveau visite à sept personnes rencontrées jadis et dont les vie racontent, chacune à leur manière, deux décennies de transformation.

Si la situation financière de la plupart d'entre elles s'est nettement améliorée en 20 ans, le moral des troupes, lui, n'est pas au plus haut. La stabilité offerte par l'Union soviétique qui fournissait emploi, logement, éducation et services sociaux à ses citoyens a disparu, sans avoir été remplacée par de véritables démocraties garantissant les droits de tous. Résultat: un air de nostalgie et de désarroi plane toujours sur l'ex-empire.

Une phrase prononcée par l'actuel premier ministre russe, Vladimir Poutine, lors du 10e anniversaire de la chute de l'URSS continue aujourd'hui de traduire le malaise ambiant. «Celui qui voudrait restaurer le communisme n'a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n'a pas de coeur.» La famille soviétique éclatée s'est refait une vie, mais continue d'avoir le coeur gros.