De nombreuses voix dont celle de l'ex-président Carlo Azeglio Ciampi s'élevaient en Italie lundi pour s'inquiéter d'une perte de souveraineté dans la crise de la zone euro alors que le pays, en attente d'un nouveau gouvernement, est «surveillé» par l'UE, le FMI et la BCE.

L'Italie «ne mérite pas de se retrouver dans une condition d'infériorité et de dépendance», a déploré dans une lettre au quotidien économique Il Sole 24 Ore, M. Ciampi, ex-gouverneur de la Banque d'Italie pendant 14 ans et ex-chef de l'État (1999-2006).

Pour M. Ciampi, la désignation de l'économiste Mario Monti pour succéder à Silvio Berlusconi à la tête du gouvernement «est une occasion à ne pas rater, pour sauver le pays» et lui éviter un «déclin rapide».

Le FMI, l'Union européenne et la Banque centrale européenne ont ou vont envoyer des inspecteurs à Rome pour vérifier la mise en oeuvre de mesures anti-crise promises par le pays pour se défendre de l'attaque des marchés et ne pas mettre en danger l'ensemble de la zone euro.

Pourtant sur le banc des accusés pour avoir miné la crédibilité du pays, le chef du gouvernement sortant Silvio Berlusconi a lui aussi mis en garde contre le risque que l'Italie perde son indépendance dans la tourmente qui secoue la zone euro.

«Personne ne pourra nous enlever notre souveraineté et notre autonomie dans les décisions», a-t-il assuré tout en jugeant nécessaire de «mettre en oeuvre le plus rapidement possible les réformes sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord avec l'Europe».

D'aucuns ont cru voir une main extérieure dans le choix de M. Monti, qui a été commissaire européen pendant 10 ans et dont la désignation a été applaudie par l'UE dès dimanche soir.

Conscient de la susceptibilité italienne, le premier ministre désigné s'est engagé à oeuvrer pour que le pays «redevienne un élément de force, et non de faiblesse, dans une Union européenne dont nous avons été fondateurs et dont nous devons être protagonistes».

«La pleine souveraineté ne reviendra entre les mains du gouvernement que lorsque nous saurons reconquérir la confiance (des partenaires et marchés internationaux, ndlr). La réputation est une vertu que l'on perd facilement», a estimé Marcello Missori, professeur d'économie à l'université romaine de Tor Vergata.

Une partie de l'opinion publique et de la classe politique, en particulier les partisans de partis populistes comme la Ligue du Nord, vit mal la surveillance internationale, considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays.

Il y a deux jours, un élu de la Ligue du Nord s'est adressé à la Chambre des députés en français, en signe de protestation contre les pressions exercées par Paris et Berlin pour que l'Italie adopte des mesures économiques draconiennes.

«Madame la présidente....», a lancé Massimo Polledri à la présidente de séance de la Chambre, pendant le débat qui a précédé l'adoptin de ces mesures promises à l'UE puis la démission de Silvio Berlusconi samedi. Poursuivant en italien, il s'en est pris au «directoire franco-allemand».

Les journaux italiens ont aussi fait grand cas de rumeurs sur la venue possible de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Nicolas Sarkozy en Italie pour soutenir le gouvernement naissant de M. Monti.

«Sarkozy, s'il vous plaît, restez chez vous», a demandé le quotidien de référence Corriere della Sera, évoquant «le complexe de supériorité» du président français tandis que le quotidien de la famille Berlusconi, Il Giornale, dénonçait «l'humiliation de se faire commander par Sarko».

Les sourires entendus de Mme Merkel et M. Sarkozy, interrogés en octobre à Bruxelles sur leur degré de confiance à l'égard du Cavaliere, avaient déjà été vécus comme une humiliation.

Samedi, trois directeurs de journaux partisans de M. Berlusconi l'ont supplié de ne pas soutenir un exécutif Monti, pour ne pas se plier «à Mademoiselle "spread"» (écart entre taux italiens et allemands) et «à ce qui arrange Merkozy».