Les dignitaires religieux rassemblés, jeudi à Assise (centre de l'Italie), ont dénoncé les guerres perpétrées au nom de leurs fois, en affirmant qu'elles les trahissaient, alors que le monde est confronté à la montée du fanatisme religieux.

Arrivée en train spécial du Vatican, une foule mélangée et colorée de 300 religieux a débarqué tranquillement du train à grande vitesse «Frecciargento» («Flèche d'argent») en gare d'Assise.

Descendant des sept wagons, ils se sont acheminés vers la basilique Sainte-Marie des Anges à quelques centaines de mètres. Tuniques de couleur safran des moines bouddhistes, turbans des sikhs, tuniques noires des patriarches orthodoxes et calottes rouges des cardinaux catholiques se mêlaient dans une ambiance bon enfant.

Une maigre foule était au rendez-vous, sous un ciel plombé, bien loin de celle qui avait accueilli Jean Paul II aux précédentes rencontres de 1986 et 2002.

Le pape est sorti le dernier du train. Silhouette frêle toute de blanc vêtue, il a avancé à petits pas vers la basilique, saluant les chefs des délégations et les «ministres généraux» de l'ordre des Franciscains, fondé par Saint François d'Assise.

Dans la vaste basilique, qui abrite la petite chapelle de la Portioncule, où François d'Assise est mort en 1226, les dignitaires religieux ont regardé un film rétrospectif sur les vingt-cinq ans passés, et notamment les images des dignitaires religieux réunis en tenue d'apparat autour de Jean Paul II en 1986 sous la même nef.

Le pape âgé de 84 ans, assis au milieu de dix dignitaires religieux, paraissait plus petit qu'eux. À sa gauche avait pris place le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée 1er, et à sa droite David Rosen, représentant du Grand rabbinat d'Israël.

Cette «journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice», sous la devise: «pèlerins de la vérité, pèlerins de la paix», a été organisée de manière à éviter toute prière en commun.

Dans un vibrant plaidoyer contre le fanatisme religieux, le pape a dénoncé «la cruauté impitoyable» du terrorisme et de la violence religieuse qui «contribue à la destruction» de la religion. Il a aussi déclaré sa «honte» pour les violences commises par les chrétiens dans le passé.

Il a aussi rendu hommage aux agnostiques et athées humanistes, estimant qu'ils posent des questions justes, et que leur impossibilité de croire s'explique par «l'image réduite ou déformée de Dieu» donnée par de nombreux religieux.

Parlant avant lui, l'un des quatre athées qu'il avait invités à la rencontre, la philosophe franco-bulgare Julia Kristeva, a demandé aux dignitaires de toutes les religions de ne pas avoir peur de l'humanisme contemporain, qui est «l'héritier souvent inconscient de l'humanisme chrétien».

Auparavant, le professeur Wande Abimbola, représentant des cultes traditionnels africains, a réclamé pour ceux-ci «le même respect» qu'aux autres religions. Il a plaidé pour la Nature «mère». «Tant que le respect pour la nature, notre mère, ne reçoit pas notre considération, les humains ne peuvent trouver les vraies paix et tranquillité que nous recherchons tous», a-t-il dit, avant d'entonner un hymne yorouba.

L'ouléma indonésien Kyai Haji Hasyim Muzadi, secrétaire général de la conférence internationale des lettrés musulmans (ICIS), a relevé que, dans la violence au nom de la religion, il y a des intérêts «qui semblent religieux» mais qui sont «politiques, économiques et culturels».

Le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée 1er, exprimant son inquiétude pour «la marginalisation accrue des communautés chrétiennes du Moyen-Orient», a affirmé que «la seule manière de nous lever contre l'instrumentalisation belliciste des religions est de nous placer comme des médiateurs de paix».

Olav Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil oecuménique des Églises, a demandé un «clair engagement» des religions du Livre pour «une juste paix à Jérusalem», d'où dérivent d'autres conflits dans le monde.

Pour la paix et le dialogue

Quatorze dirigeants des grandes religions ont pris la parole tour à tour jeudi devant la basilique Saint-François à Assise pour s'engager pour la paix et le dialogue interreligieux.

«Jamais plus la violence, jamais plus la guerre, jamais plus le terrorisme! Au nom de Dieu, que toute religion apporte sur la terre la justice et la paix, le pardon et la vie, l'amour!», a déclaré le pape, dernier à s'exprimer.

Benoît XVI était arrivé sur la petite place devant la basilique, suivi des principaux dignitaires religieux, fendant la foule de quelques centaines de fidèles, où se trouvaient beaucoup de jeunes Italiens, sous un clair soleil d'automne. Au dessus des murailles, une petite foule était massée pour suivre la cérémonie.

Sur une estrade blanche, où les chefs des religions avaient pris place, des jeunes danseurs de tous les continents ont exécuté des chorégraphies avec des tissus de couleurs et des lampes à huile.

Puis, résumant la démarche des 300 religieux venus à Assise, le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux, a évoqué «le silence qui s'est fait prière», «le jeûne, expression de notre désir de purification et de notre proximité avec ceux qui souffrent», et «le pèlerinage qui nous a vus nous mettre en chemin vers la Vérité».

«Chacun de nous, retournant chez lui, aura à coeur d'être un témoin et un messager: la paix est possible, même aujourd'hui!», a-t-il lancé.

Des lampes à huile, «lumières de la paix», ont été remises symboliquement à chacun des dignitaires religieux. Le pape a remercié les participants en italien et en anglais, notamment les jeunes venus en pèlerinage à Assise, qui lui ont répondu en scandant «Benedetto, Benedetto».

Le pape et les dignitaires religieux devaient ensuite se recueillir sur la tombe de Saint François d'Assise dans la crypte de la basilique, avant de repartir ensemble en train pour Rome.