L'ex-juge anticorruption Eva Joly devrait être sacrée mardi candidate écologiste à la présidentielle du printemps 2012 en France, après avoir largement battu l'ancien animateur vedette de télévision Nicolas Hulot au second tour des primaires du parti vert.

Eva Joly, qui a la double nationalité française et norvégienne, était dimanche sur la voie d'«une victoire assez large», a indiqué à l'AFP un responsable du parti écologiste.

Elle pourrait remporter plus de 60% des voix à ce scrutin, dont les résultats définitifs ne seront connus que mardi, selon la même source.

Au premier tour, l'ex-juge, qui se pose en figure de proue d'une écologie engagée frontalement contre Nicolas Sarkozy, n'avait manqué la désignation que de 64 voix (avec 49,75% contre 40,22% à Nicolas Hulot).

Un temps donné favori dans les sondages, l'ancien roi de l'audimat devenu l'une des consciences environnementales en France est tombé de haut.

À 56 ans, dont 25 à présenter des émissions sur les grands espaces et la nature sur la chaîne privée TF1, Nicolas Hulot s'engageait pour la première fois dans l'aventure d'une campagne. Déjà tenté en 2007, il avait renoncé, mais fait souscrire aux candidats, de droite comme de gauche, un «pacte écologique».

S'il reste une des personnalités préférées des Français, l'ancien animateur n'a jamais fait l'unanimité au sein des écologistes, qui lui reprochent ses liens avec de grandes entreprises comme EDF et l'Oréal, sponsors de sa Fondation, et d'avoir attendu la catastrophe de Fukushima pour se prononcer contre le nucléaire.

L'eurodéputée Eva Joly, elle-même relativement novice en politique, avait sèchement rappelé au printemps qu'il ne fallait «pas confondre notoriété et crédibilité», tandis que ses soutiens fustigeaient le «candidat gel douche» en référence à Ushuaïa, nom d'une émission de Hulot décliné en produits dérivés de bain.

L'ancienne juge de 67 ans, rendue célèbre dans les années 90 pour avoir incarné une justice qui s'attaque au pouvoir et au monde des affaires en France, a elle aussi été égratignée pour ne pas avoir le profil classique de la militante de gauche environnementaliste.

De fait, Gro Eva Farseth, née dans un quartier ouvrier d'Oslo, n'a pas vraiment le cursus traditionnel des élites françaises: arrivée en France comme jeune fille au pair en 1964, elle épouse deux ans plus tard l'un des fils de la famille, Pascal Joly.

Elle apprend le français, qu'elle continue à parler avec un fort accent, passe le concours de la magistrature à 38 ans et devient l'une des juges les plus redoutées de France.

En 2002, elle retourne sept ans en Norvège pour conseiller le gouvernement dans sa lutte contre la corruption internationale et les paradis fiscaux, avant de revenir en France où elle sera élue députée européenne en 2009.

Visage doux rehaussé de petites lunettes rondes, l'atypique écologiste a fait taire les critiques en s'attaquant sans relâche au gouvernement: elle dénonce dès l'été dernier le virage sécuritaire de Nicolas Sarkozy en y voyant un «racisme d'État». Et fustige ces derniers jours l'«arrogance nucléaire française».

A contrario, silhouette d'éternel adolescent, à l'aise devant un micro, Nicolas Hulot a peiné à convaincre, et commis des maladresses pendant sa courte campagne.

Persuadé d'être le mieux placé pour convaincre l'électorat le plus large, il s'est défendu, a expliqué la cohérence de son cheminement: «Je ne suis pas né écologiste, je le suis devenu», a dit l'ancien animateur.

Sous pression, il a dû rectifier le tir, assurant que son projet était «incompatible» avec la politique menée par la droite, et s'est mis à dénoncer le «capitalisme sauvage».

Cela n'a pas suffi.

Pour le chef de file des Verts européens, Daniel Cohn-Bendit, qui a parrainé Eva Joly en politique, celle-ci devra aussi en appeler à l'électorat du centre, celui-là même qu'Hulot aurait pu convaincre s'il avait pu «expliquer en quoi il était capable de rassembler».