L'odyssée de l'Arctic Sea s'est soldée jeudi en Russie par la condamnation de six pirates du navire disparu mystérieusement en 2009 dans la Baltique et réapparu quelques semaines plus tard dans l'Atlantique, alors que les suspicions sur la cargaison demeurent.

Les six hommes -un Russe, un Letton, un Estonien et trois autres aux noms à consonance russe mais présentés comme apatrides-, ont été reconnus coupables de «piraterie» par un tribunal d'Arkhangelsk, dans le Nord de la Russie.

Au cours du procès, les prévenus ont reconnu partiellement leur culpabilité mais nié toute intention criminelle, affirmant qu'ils voulaient travailler sur le bateau en échange d'une bonne rémunération. Les pirates ont mis en cause les organisateurs de cette expédition, qui n'ont pas été arrêtés.

Deux autres pirates avaient déjà été condamnés l'an passé en Russie à cinq et sept ans de prison dans le cadre de cette rocambolesque affaire qui a impliqué une vingtaine de pays et donné lieu à une coopération entre la Russie et l'OTAN.

L'Arctic Sea, battant pavillon maltais et exploité par la société finlandaise Solchart Management avec un équipage russe, avait quitté la Finlande le 23 juillet 2009 à destination de Béjaïa, en Algérie.

Sept jours plus tard, la police suédoise annonce que le vraquier transportant officiellement une cargaison de bois estimée à un peu plus d'un million d'euros, a été détourné dans la Baltique, sur l'une des routes maritimes les plus fréquentées du monde.

Le 3 août, Interpol lance une alerte pour retrouver le bateau qui s'était signalé pour la dernière fois dans la nuit du 29 au 30 juillet au large de la Bretagne (ouest de la France).

Après avoir tardé à réagir, les autorités russes ont déployé les grands moyens, le président Dmitri Medvedev ordonnant la mobilisation de navires de guerre pour retrouver le vraquier. Celui-ci a finalement été arraisonné à la mi-août 2009 dans l'océan atlantique par la Marine russe.

Des médias avaient alors affirmé que Moscou avait décidé d'intercepter le cargo après avoir été alerté qu'un groupe mafieux avait chargé à bord des missiles antiaériens sophistiqués S-300 pour l'Iran. Une hypothèse réfutée par les autorités russes.

Hasard du calendrier, le jugement des six pirates a été prononcé le jour où le Premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, est en visite officielle à Moscou. Ce dernier avait effectué une visite secrète en Russie en 2009, au moment où nombre de médias spéculaient sur le contenu de la cargaison de l'Arctic Sea et une possible livraison d'armes à l'Iran, ennemi juré d'Israël.

L'acte de piraterie, thèse officielle des autorités russes, est contesté par des experts maritimes qui doutent que la lumière soit faite un jour sur la cargaison du vraquier, selon le ministère des Affaires étrangères.

Les autorités russes n'ont toujours pas donné d'explications claires sur les raisons du détournement.

«Au XXIe siècle, il est inquiétant qu'un navire puisse apparemment être aux mains de pirates et naviguer dans les eaux les plus fréquentées du monde sans que l'alerte soit donnée», avait observé un expert au moment où l'Arctic Sea ne donnait plus signe de vie.

À en croire le rédacteur en chef du bulletin maritime russe Sovfrakht, Mikhaïl Voïtenko, un expert maritime respecté, l'État russe a joué un rôle central dans le mystère entourant ce navire.

C'est cet expert qui avait révélé la disparition du bateau. Fin 2009, il avait fui la Russie, disant craindre pour sa sécurité.