L'Italie n'aura pas à décrocher les crucifix des murs de ses écoles publiques car ces symboles religieux n'ont pas d'influence sur les élèves, a jugé vendredi la Cour européenne des droits de l'Homme, infirmant ainsi une précédente décision.

L'arrêt définitif de la CEDH a aussitôt été salué par le gouvernement italien, pour qui le crucifix est un symbole culturel plutôt que religieux. Il avait reçu le soutien de plusieurs pays du continent européen qui n'ont pas rompu avec les symboles religieux, souvent par tradition et qui s'inquiétaient d'une éventuelle jurisprudence stipulant leur retrait.

En novembre 2009, la Cour de Strasbourg avait jugé la présence de croix dans les écoles transalpines «contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions» et «au droit des enfants à la liberté de religion et de pensée».

Cette décision avait suscité un tollé dans la péninsule et Rome avait fait appel.

Vendredi, les juges de la grande chambre de la CEDH ont déjugé leurs collègues à une large majorité (15 voix contre 2), estimant que l'Italie avait utlisé la marge d'appréciation dont elle dispose dans le cadre de son «obligation de respecter le droit des parents d'assurer cette instruction conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques».

Selon la cour, «s'il faut voir avant tout un symbole religieux dans le crucifix, il n'y a pas d'élément attestant de l'éventuelle influence que l'exposition d'un symbole de cette nature sur des murs de salle de classe pourrait avoir sur les élèves».

Certes, avec le crucifix à l'école, «la réglementation italienne donne à la religion majoritaire du pays une visibilité prépondérante dans l'environnement scolaire», toutefois «cela ne suffit pas pour caractériser une démarche d'endoctrinement», ont estimé les juges. Selon eux, «un crucifix apposé sur un mur est un symbole essentiellement passif, dont l'influence sur les élèves ne peut être comparée à un discours didactique ou à la participation à des activités religieuses.»

«Rien n'indique que les autorités se montrent intolérantes à l'égard des élèves adeptes d'autres religions, non-croyants ou tenants de convictions philosophiques qui ne se rattachent pas à une religion», ajoutent les juges.

La cour avait été saisie en 2006 par Soile Lautsi, mère de deux enfants scolarisés dans une école publique de la province de Padoue (nord-est). Un crucifix était accroché dans les salles de classe et la plaignante estimait que ses deux fils, non catholiques, subissaient ainsi une différence de traitement discriminatoire par rapport aux élèves catholiques et à leurs parents.

Les juges ont débouté Mme Lautsi, estimant que «sa perception subjective ne suffit pas à caractériser une violation» de la Convention des droits de l'Homme.

Le catholicisme n'est officiellement plus religion d'Etat en Italie depuis 1984 mais une ordonnance, adoptée sous le fascisme et imposant la présence de crucifix dans les écoles, n'a jamais été abolie.

Dans une affaire similaire, la Cour constitutionnelle autrichienne (VfGH) a jugé mercredi que la présence d'une croix au mur d'une classe quand la majorité des élèves sont chrétiens n'est pas contraire à la Constitution.