Le gouvernement espagnol a confié vendredi soir à l'armée le contrôle aérien, après une grève soudaine des contrôleurs du ciel qui a paralysé le trafic et pris le pays par surprise au début d'un long week-end, en raison d'un conflit sur la durée du travail.

Le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, a demandé au ministère de la Défense de prendre la direction du contrôle aérien dans l'ensemble du pays jusqu'à ce que les contrôleurs reprennent le travail.

Le gouvernement espagnol se réunira en séance extraordinaire samedi matin et pourrait déclarer «l'État d'urgence» menaçant de prison les contrôleurs aériens qui ne se présenteront pas à leurs postes de travail, a annoncé de son côté le vice-président du gouvernement, Alfredo Perez Rubalcaba.

«L'État d'urgence suppose la mobilisation de tous les contrôleurs et la mise à la disposition immédiate de la justice de tous ceux qui ne se présenteront pas à leurs postes de travail, tombant ainsi sous le coup d'un délit pouvant entraîner de sevères peines de prison», a expliqué le ministre.

La crise, qui touche 250 000 passagers selon l'Autorité de gestion des aéroports (Aena), avait éclaté en fin d'après-midi avec la fermeture des aéroports de Madrid-Barajas, des Canaries et des Baléares, à mesure que les contrôleurs abandonnaient leurs postes de travail.

L'espace aérien a ensuite fermé dans l'ensemble du pays, à l'exception de l'Andalousie, dans le sud, à l'heure où de très nombreux Espagnols s'apprêtaient à partir pour un week-end de cinq jours.

Le gouvernement a opté pour la fermeté, dénonçant «le chantage» des contrôleurs et annonçant qu'il pourrait avoir recours à l'armée pour assurer le contrôle aérien, comme le prévoit la loi de privatisation de la gestion aéroportuaire adoptée vendredi en Conseil des ministres.

«Nous n'allons pas permettre ce chantage qui prend les citoyens en otages», a affirmé le ministre des Transports, Jose Blanco.

Les aéroports se sont alors transformés en de gigantesques salles d'attente. À Madrid, de longues files se formaient aux comptoirs d'enregistrement. D'autres passagers préféraient s'asseoir ou s'allonger à même le sol.

«C'est insultant, nous vivons dans un pays du Tiers monde, nous avons des contrôleurs incompétents et un gouvernement incompétent», lançait Laura Torres, une avocate de 37 ans, qui voulait partir avec son mari pour Les Canaries.

Shona Walker, une Britannique de 24 ans, a raconté qu'elle avait été bloquée trois jours à Edimbourg, en Écosse, «à cause du mauvais temps», avant de pouvoir enfin partir mercredi pour l'Espagne, puis d'être bloquée à nouveau.

Environ 130 vols d'Iberia avaient été annulés vers 22h (16h, heure de Montréal) au départ de l'Espagne et la compagnie prévoyait de suspendre son trafic jusqu'à samedi 11h.

Le président d'Aena, Juan Ignacio Lema, a dénoncé la «décision irresponsable» des contrôleurs aériens, et évoqué l'éventualité de sanctions.

Dans la soirée, la majorité de l'espace aérien a été fermée car «90% des contrôleurs aériens ont abandonné leurs postes de travail», selon Aena. Trois contrôleurs sont toutefois restés à leurs postes à Madrid afin de superviser les atterrissages en cas d'urgence.

Vers 23h (17h, heure de Montréal), le trafic a repris progressivement à Barcelone, le deuxième aéroport du pays, où les contrôleurs avaient regagné leur poste.

À Madrid, cinq contrôleurs se sont présentés, mais sans pouvoir travailler en raison de la grève qui se poursuivait au centre de contrôle régional.

Le mouvement avait éclaté quelques heures après l'approbation en Conseil des ministres d'une privatisation partielle de l'Aena, à hauteur de 49%, dans le cadre de nouvelles mesures anti-crise prises par le gouvernement socialiste.

Cette privatisation inclut un dispositif portant à 1670 heures par an le temps maximum que pourront travailler les contrôleurs, contesté par l'Union syndicale des contrôleurs aériens (USCA).

Alors qu'une grève des contrôleurs n'était prévue que pour la fin décembre, ce mouvement a éclaté subitement, au moment où les Espagnols partaient pour cinq jours de congés, le début de semaine prochaine étant férié en Espagne.