La police polonaise a interpellé vendredi le leader indépendantiste tchétchène Akhmed Zakaïev, recherché par la Russie qui l'accuse de terrorisme et dont la présence à Varsovie place la Pologne dans une situation très délicate vis-à-vis de Moscou.

M. Zakaïev est arrivé à Varsovie pour un congrès mondial d'indépendantistes tchétchènes de trois jours, au sujet duquel Moscou a exprimé son mécontentement, affirmant qu'il avait pour but de «déstabiliser la situation dans le Caucase» russe.

Tenue en tant que membre d'Interpol de l'arrêter en vertu d'un mandat international émis par Moscou, la Pologne doit à présent se prononcer sur la demande d'extradition vers la Russie de cet indépendantiste exilé en Grande-Bretagne.

«La Pologne est l'objet d'une manipulation ou d'une tentative de manipulation par le gouvernement indépendantiste tchétchène et la Fédération de Russie», a commenté Marek Menkiszak, responsable des affaires russes au Centre d'études orientales, un groupe de réflexion polonais.

Elle est également «sous la pression de Londres» qui a accordé à Akhmed Zakaïev le statut de réfugié politique.

Varsovie est «devant un grave dilemme entre d'un côté ses obligation envers Interpol et de l'autre une situation où la Russie n'a pas été en mesure de présenter des preuves convaincantes d'une activité terroriste de Zakaïev», explique-t-il.

Si un tribunal indépendant doit d'abord se prononcer sur la demande d'extradition, c'est au gouvernement polonais, en l'occurrence son ministère de la Justice, que revient la décision finale.

Le premier ministre polonais Donald Tusk a d'ores et déjà laissé entendre que Moscou n'obtiendrait pas satisfaction. «En aucun cas, la partie russe ne pourra compter sur des décisions polonaises qui lui donnent satisfaction», a-t-il déclaré jeudi à Bruxelles.

«La Pologne a toutes les justifications nécessaires pour remettre Zakaïev à la Russie», a rétorqué vendredi le chef de la Commission des Affaires étrangères de la chambre basse du Parlement russe, Konstantin Kossatchev, cité par l'agence russe RIA Novosti.

«Une complicité de la Pologne (dans l'extradition de Zakaïev vers la Russie) serait une catastrophe, une preuve de faiblesse, un prix payé par la Pologne pour améliorer ses relations avec la Russie», a commenté Aleksander Smolar, politologue polonais et président de la fondation Batory, sur les ondes de la radio TOK FM.

Mais pour l'analyste russe Alexandre Konovalov et le polonais Marek Menkiszak, les relations entre les deux pays ne souffriront pas d'un refus d'extrader l'indépendantiste tchétchène.

«La Pologne et la Russie ont connu des disputes plus graves et Zakaïev n'est pas une personnalité au nom de laquelle on puisse compromettre les relations polono-russes», a déclaré à l'AFP M. Konovalov, président de l'Institut d'analyses stratégiques.

«Le gouvernement tchétchène en exil ne présente pas de danger important pour la Fédération de Russie» et il s'agit plus pour Moscou «d'attirer l'attention sur sa position de principe concernant son intégrité territoriale et la lutte contre le terrorisme», estime M. Menkiszak.

Dans une interview d'une pleine page publiée par le quotidien polonais de droite Rzeczpospolita vendredi, Akhmed Zakaïev rapporte qu'il se trouvait il y a un mois à Varsovie sans avoir été le moins du monde inquiété.

«Si M. Zakaïev s'était rendu en Pologne à titre privé, nous aurions fait semblant de ne pas le remarquer», a commenté M. Konovalov.

«La Russie a estimé que l'organisation de ce congrès nuisait à ses intérêts et a de ce fait soulevé la question de Zakaïev en poussant la Pologne à prendre position», résume M. Menkiszak.