Face à la succession des scandales, le président français Nicolas Sarkozy a sacrifié deux ministres de second plan, en cherchant à préserver un homme clé de son gouvernement, Eric Woerth, toujours accusé de conflits d'intérêts par une partie de la presse et l'opposition.

Le remaniement avait été annoncé pour octobre, la sanction est tombée ce week-end: sous la pression, les secrétaires d'État à la Coopération Alain Joyandet et le secrétaire d'État au Grand Paris Christian Blanc ont quitté leur fonction dimanche soir.

Les deux hommes, suspects d'utilisation abusive des deniers publics, font les frais d'une série d'affaires qui ont fragilisé le président. En période de crise économique, elles ont profondément choqué les Français, dont 64% estiment que les «dirigeants politiques sont plutôt corrompus», selon un sondage Viavoice publié lundi.

L'opposition socialiste mettait en accusation lundi l'ensemble de l'exécutif.

«Le gouvernement de la France est à bout de souffle. Ca ne peut pas continuer comme ça (...) Il ne faut pas s'acharner sur tel ou tel ministre. Ailleurs, on n'aurait plus ce gouvernement et on aurait des élections», a déclaré le député socialiste Pierre Moscovici.

«Le gouvernement devrait être profondément remanié» car «on ne peut pas être gouverné par des dirigeants dont on estime qu'ils sont tout le contraire d'irréprochables», a lancé la numéro un des Verts Cécile Duflot, dénonçant la «déconnexion» de l'exécutif avec le pays.

Alain Joyandet a été épinglé pour la location d'un jet privé pour 116 500 euros lors d'un déplacement ministériel en Martinique (Antilles) et pour un permis de construire illégal pour agrandir la maison qu'il possède près de Saint-Tropez. Christian Blanc pour avoir acheté pour 12 000 euros de cigares cubains sur des fonds publics.

D'autres sont sous les feux de la presse et de l'opposition pour un logement de fonction occupé par leur famille ou des frais d'hôtel faramineux.

Mais c'est surtout l'affaire Woerth qui embarrasse le chef de l'État qui vient d'annoncer de douloureuses mesures de rigueur budgétaire et se retrouve au plus bas dans les sondages.

Chargé de mener la délicate et impopulaire réforme des retraites qui doit marquer la deuxième partie du mandat Sarkozy, M. Woerth est accusé par l'opposition de double conflit d'intérêt.

D'une part, pour avoir été ministre du Budget (2007-mars 2010) à une époque où son épouse gérait une partie de la fortune de l'héritière du géant des cosmétiques L'Oréal, Liliane Bettencourt, soupçonnée de possibles fraudes fiscales. D'autre part, pour porter la double-casquette de ministre et de trésorier du parti présidentiel UMP (droite).

La presse française était quasi-unanime lundi pour affirmer que la démission des deux secrétaires d'État visait à servir de pare-feux à Eric Woerth et considérait cette décision comme le signe d'un «vent de panique» et d'une «grande fébrilité».

«La démission forcée des deux ministres accrédite surtout l'idée que le pouvoir cherche un exutoire pour essayer de protéger Éric Woerth. Or, sacrifier deux personnes pour essayer d'en sauver une troisième, plus gravement menacée, témoigne d'une grande panique au sommet», résume un quotidien régional de l'ouest, Le Télégramme.

«Ce n'est pas encore une hécatombe, mais ça sonne déjà comme le début de la fin», estime pour sa part La Dépêche du Midi (sud).

Le chef de l'État a plusieurs fois exclu la démission de son ministre du Travail, qui doit présenter sa réforme des retraites la semaine prochaine en Conseil des ministres et à la rentrée au Parlement.

Quant aux ministres démissionnaires, ils ont estimé être victimes d'un «amalgame» pour M. Joyandet, d'un «lynchage sans preuve» pour M. Blanc.