L'Aquila, petite ville pittoresque du centre est de l'Italie, était jadis reconnue pour son centre médiéval et sa population estudiantine. Aujourd'hui, elle n'est plus qu'une ville fantôme, synonyme de désespoir. Notre collaboratrice a rencontré ses habitants endeuillés par le tremblement de terre meurtrier de lundi matin.

 «Je ne bougerai pas d'ici, aussi longtemps qu'il le faudra.» Carla Bucci ne lâchait pas des yeux un amas de plâtre et de béton, hier après-midi.

Son neveu, sa belle-mère et son beau-frère gisent quelque part sous les décombres. Ils dormaient paisiblement dans l'immeuble de quatre étages lorsque les murs de la ville ont furieusement tremblé lundi dernier. La famille vivait au premier étage.

Pourtant, Carla Bucci ne perd pas espoir qu'ils s'en sortiront vivants. «Nous avons préparé leurs pyjamas. Tant qu'on ne les voit pas, ils ne sont pas morts. Ils ont encore trouvé une fille vivante ce matin», dit la femme de 47 ans, en ravalant ses larmes.

«Ils», ce sont les 7000 secouristes qui parcourent la ville évacuée d'une grande partie de ses 73 000 habitants. Des policiers, des pompiers, des soldats. Ils ont de plus en plus de mal à calmer l'angoisse des résidants qui parcourent les rues à pied, à la recherche d'un fantôme.

Dans une des artères principales, des gens font le pied de grue devant un immeuble éventré qui s'est affaissé de quelques mètres: Une des résidences étudiantes de la ville universitaire.

Un homme implore un agent de police de fouiller lui-même les décombres à la recherche de sa fille. Devant son refus, il fond en larmes en s'éloignant. Un photographe de presse a eu la mauvaise idée de diriger son objectif vers lui. Le vieil homme s'est rué sur lui, obligeant des policiers à intervenir.

«Les parents sont à bout de nerfs, ils voudraient pouvoir tout de suite identifier les corps», explique un secouriste qui a refusé de se nommer.

Un bruit épouvantable

Les résidants font aussi le deuil des célèbres monuments de L'Aquila, défigurés par le séisme. Micarelli Concelta espère que le site historique sera sauvé. «Ça fait mal de voir ça. Mais je ne sais pas si je vais rester. J'ai trop peur de retourner dans ma maison», dit-elle.

La mère de famille explique comment elle a cru sa dernière heure arrivée lundi matin. «Le bruit était épouvantable. Les murs tremblaient comme des feuilles. Mon fils est si traumatisé que nous l'avons confié à sa grand-mère qui habite Rome», dit Micarelli Concelta, qui dort dans sa voiture avec son mari depuis le sinistre.

Dans le vieux L'Aquila, les traces de la panique de la nuit de dimanche à lundi sont toujours visibles. Ici, une chaussure de femme gît dans la poussière. Là, les portes d'un appartement sont nonchalamment ouvertes sur un vélo pour enfant. Des policiers font le guet pour s'assurer que des pilleurs ne profitent de l'absence des occupants.

Perdre des jeunes

«Les gens couraient dans tous les sens dans les rues. Ils criaient le nom de leurs proches», se rappelle Carla Bucci, en tortillant ses mains.

En fin de journée, des ouvriers s'apprêtent à détruire la résidence étudiante. «Reculez, sinon vous serez recouverts d'une poussière blanche», dit l'un d'eux aux badauds. Des ambulanciers s'approchent avec quelques civières.

C'en est trop pour des parents qui éclatent en sanglots et se consolent entre eux. «Perdre des jeunes, c'est toujours tragique», murmure Ferdinando Di'orio, recteur de l'université de L'Aquila.