Avec une gauche décapitée et sans rival dans son camp, Silvio Berlusconi paraît plus fort que jamais à la tête de l'Italie, trop fort aux yeux de certains qui redoutent un affaiblissement de la démocratie.

«Depuis 1994, date de son entrée en politique, Berlusconi n'a jamais été aussi fort», souligne Roberto D'Alimonte, professeur de sciences politiques à l'université de Florence.

La démission surprise mardi du chef de la gauche Walter Veltroni a plongé le Parti démocrate (PD), la principale formation d'opposition dans le chaos tandis que le Cavaliere revenu au pouvoir il y a dix mois a réussi à neutraliser tous ses rivaux potentiels à droite malgré ses 72 ans.

Le détonateur de la crise à gauche a été la défaite de son candidat en Sardaigne lors d'une élection régionale remportée par un inconnu choisi par Silvio Berlusconi et dont le Cavaliere a assuré l'essentiel de la campagne en se rendant à cinq reprises sur l'île.

«Malgré la crise économique, Berlusconi qui se présente comme celui qui protège les Italiens bénéficie toujours de l'état de grâce qui a suivi la victoire de la droite aux législatives d'avril 2008. C'est relativement exceptionnel en Europe. Il est au zénith et il a beaucoup de pouvoirs en mains», déclare à l'AFP le politologue français Marc Lazar, spécialiste de l'Italie.

Selon le dernier sondage de l'Institut IPR publié le 17 février, la cote de popularité du chef du gouvernement s'est tassée depuis son retour au pouvoir mais elle caracole malgré tout à 55 % de soutien.

Selon les experts, seule une aggravation de la crise économique et une montée en flèche du chômage pourraient menacer Silvio Berlusconi qui «domine depuis 15 ans la vie politique de la Péninsule qu'il soit au pouvoir ou dans l'opposition», rappelle Marc Lazar.

Cette puissance du chef de la droite suscite toutefois une certaine nervosité. Jusque dans son propre camp.

«L'Italie est maintenant en proie à un profond déséquilibre démocratique (...) Une opposition sérieuse et crédible a un rôle essentiel pour contrôler le pouvoir croissant du chef du gouvernement», soulignait mercredi Stefano Folli, l'éditorialiste du quotidien économique Il Sole 24 Ore.

«Un pays avec une majorité compacte comme la nôtre a besoin d'une opposition qui ait du répondant», s'est inquiété dès mardi soir à la télévision Rai le ministre de la Défense Ignazio La Russa.

La majorité des analystes ne croit pas au risque d'«une dictature» même douce, un spectre agité par une partie de la gauche.

Mais, avertit Roberto D'Alimonte, «la qualité de la démocratie italienne n'est pas bonne et Berlusconi n'aide pas à améliorer la situation».

«Une démocratie se mesure par de nombreux facteurs comme le degré de corruption ou l'indépendance des médias et de la justice. Or, il y a dans ce pays, un conflit perpétuel entre les juges et l'executif (ndlr, Berlusconi) et la qualité de l'information télévisée laisse à désirer», remarque Roberto D'Alimonte.

Exemple unique en Europe, le chef du gouvernement italien qui est aussi l'un des hommes les plus riches du pays, contrôle trois chaînes de télévision via son empire Mediaset et il exerce en outre une forte influence sur une quatrième, la chaîne publique Rai Uno.