Le premier ministre chinois Wen Jiabao a achevé lundi sa tournée européenne sur une fausse note: il a été interrompu en plein discours à l'université de Cambridge par un manifestant qui a lui a lancé une chaussure en le traitant de «dictateur».

Le projectile, une vieille chaussure de sport, a manqué sa cible d'un bon mètre, selon un journaliste de l'AFP sur place. Le manifestant, un jeune homme d'allure occidentale et s'exprimant en anglais avec accent, a été immédiatement maîtrisé par le service d'ordre de l'université puis interpellé par la police qui n'a pas révélé son identité. «L'homme âgé de 27 ans a été inculpé pour trouble à l'ordre public et comparaîtra le 10 février devant les magistrats du tribunal de Cambridge», a annoncé dans la soirée une porte-parole de la police locale.

Alors que l'allocution du Premier ministre touchait à sa fin, le jeune homme s'est levé puis a ôté une de ses chaussures qu'il a lancée en direction du dirigeant chinois en criant : «c'est un scandale».

«Ce dictateur là-bas, comment peut-on écouter les mensonges qu'il raconte? Vous ne le contredisez pas», a-t-il lancé avant de souffler dans un sifflet.

«Levez-vous et protestez», a-t-il crié à l'adresse de l'assistance alors qu'il était évacué par les services de sécurité. «Honte à toi, honte à toi», lui ont répondu des spectateurs.

Impassible, le Premier ministre chinois n'a pas bronché pendant l'incident puis, reprenant son discours, il a réprimandé le manifestant.

«Ce comportement méprisable ne saurait avoir d'effet sur l'amitié entre la Chine et le Royaume-Uni», a-t-il déclaré, recueillant une salve d'applaudissements d'une salle apparemment composée essentiellement d'étudiants chinois.

La sécurité était pourtant stricte à l'entrée de la salle de concert de la prestigieuse université britannique, où s'exprimait M. Wen. Quelque 200 manifestants, apparemment pro-chinois pour la plupart, avaient été maintenus à l'écart par la police.

Cet incident rappelle celui intervenu le 14 décembre à Bagdad au cours d'une conférence de presse de l'ex-président américain George W. Bush et du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki: un journaliste irakien s'était levé brusquement puis avait crié «c'est le baiser de l'adieu, espèce de chien», avant de lancer ses deux chaussures sur M. Bush.

Au cours de récentes manifestations en soutien à Gaza, à Londres, des manifestants avaient également protesté contre le gouvernement en lançant des chaussures contre les grilles barrant l'entrée de Downing Street, résidence officielle du Premier ministre.

La journée avait commencé plus tranquillement pour le Premier ministre chinois, qui s'est entretenu en début de matinée avec son homologue britannique Gordon Brown.

M. Wen a souligné la nécessité d'une coopération économique internationale alors que «tout le monde est sur le même bateau», tout en estimant apercevoir «la lumière au bout du tunnel» de la crise.

M. Brown a pour sa part annoncé que Londres s'était fixé comme objectif le doublement de ses exportations vers la Chine d'ici à 18 mois.

M. Brown a également indiqué avoir évoqué la question du Tibet et des droits de l'homme au cours de ses entretiens avec M. Wen.

Ce premier voyage du responsable chinois en Grande-Bretagne depuis 2006 marque la fin d'une tournée européenne qui l'a conduit en Allemagne, en Espagne, à Bruxelles et au sommet économique de Davos, en Suisse.

Le dirigeant chinois avait pour objectif de resserrer les liens avec l'Europe, après des dissensions sur le Tibet suscitées notamment par des visites en Europe du dalaï lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains en exil, que Pékin accuse de sécessionnisme, et de dynamiser les relations commerciales.