Benoît XVI s'est démarqué mercredi des propos négationnistes d'un évêque intégriste réintégré dans l'Eglise catholique, contraint une nouvelle fois de réparer les dégâts d'une initiative prise en solitaire comme après son discours de Ratisbonne sur l'islam.

Ce dernier couac de Benoît XVI, qui a profondément blessé les juifs et heurté de très nombreux catholiques, amène à s'interroger sur les méthodes de gouvernement de ce pape mal à l'aise avec le travail collégial et qui semble parfois coupé du monde réel.

Alors que l'émotion était toujours vive mercredi matin, le pape, profitant de son audience générale hebdomadaire, a fait deux mises au point séparées.

Il a d'abord expliqué que l'annulation annoncée samedi de l'excommunication des quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX), mouvement schismatique caractérisé par son «anti-modernisme» et son rejet du pluralisme religieux, était un geste de «miséricorde paternelle» conforme à ses engagements de début de pontificat.

Il a ajouté que ces évêques devaient maintenant «faire les pas nécessaires à leur pleine communion avec l'Eglise» et reconnaître enfin la validité du concile Vatican II qui avait rompu avec deux millénaires d'anti-judaïsme chrétien et reconnu le principe de la liberté religieuse.

Dans une seconde mise au point, Benoît XVI a exprimé sa «solidarité» avec les juifs à l'occasion de l'anniversaire de la libération d'Auschwitz, et condamné la négation de la Shoah.

Il a rappelé s'être rendu à plusieurs reprises à Auschwitz, «un des camps où s'est perpétré le massacre effrayant de millions de juifs, victimes innocentes d'une haine raciale et religieuse aveugle».

«La Shoah doit être pour tous un avertissement contre l'oubli, la négation et le réductionnisme», a-t-il ajouté, sans cependant faire de référence directe aux déclarations de l'évêque intégriste Richard Williamson.

Celui-ci, dans un entretien à la télévision suédoise diffusé jeudi dernier, avait affirmé: «je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz (...) Je pense que 200 000 à 300 000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz».

La concomitance des déclarations négationnistes de l'évêque Williamson et de sa réintégration dans l'Eglise catholique a eu un effet dévastateur.

Rabbins et associations juives, qui avaient déjà plusieurs contentieux avec le Vatican (maintien d'une prière pour la conversion des juifs, projet de béatification du pape Pie XII), ont multiplié les déclarations consternées et les demandes de clarification.

De leur côté, de nombreux catholiques, sur tous les sites internet communautaires, ont exprimé leur mécontentement face à une décision qui leur semblait bafouer les raisons profondes de leur engagement.

Sous couvert de l'anonymat, des sources proches du Vatican ont affirmé que ni les évêques des pays où la FSSPX est active, ni le service du Vatican chargé du dialogue avec le judaïsme n'avaient été informés préalablement de la levée de l'excommunication des intégristes.

Ce n'est pas la première fois qu'une initiative solitaire de Benoît XVI se retourne contre lui.

En septembre 2006 notamment, son discours sur «foi et raison» prononcé dans un cadre universitaire à Ratisbonne avait provoqué une crise avec le monde musulman, car il semblait assimiler l'islam et la violence et lui dénier toute dimension rationnelle.