Un garçon de 13 ans fréquentant un collège du 5e arrondissement de Paris a été arrêté récemment après que l'établissement l'eut convoqué avec sa mère pour faciliter la tâche des policiers qui le recherchaient, suscitant la polémique.

L'opération, survenue en octobre, a suscité l'ire des parents de l'école, qui ont fait voter, par l'entremise de leurs associations, une résolution condamnant l'entrée des forces de l'ordre et le rôle joué par le personnel dans ce qu'ils estiment être un véritable «piège».

 

Il est «inadmissible», souligne le secrétaire de la section locale de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), Patrick Debono, qu'un employé de l'établissement se soit prêté à un tel stratagème.

Selon lui, la surveillante en chef a accepté, en réponse à la demande des forces de l'ordre, de convoquer le garçon et sa mère sous de faux prétextes. Des policiers en civil l'ont appréhendé à son arrivée et mené au commissariat où il a été interrogé et fouillé au corps en raison de son rôle dans un accrochage survenu dans la cour d'école.

Le tout, juge M. Debono, pour une «petite histoire», le garçon ayant asséné un coup sur le nez d'une fille à la suite d'une querelle amoureuse.

L'enfant, qui doit aujourd'hui faire face à la justice, a été expulsé définitivement du collège par la direction, mais la sanction a été remplacée, après contestation, par une «expulsion avec sursis». La mère de l'enfant, avec l'appui de la FCPE, veut contester cette décision pour éviter qu'elle figure à son dossier.

La principale du collège, Hélène Fourmond, n'apprécie visiblement pas la polémique entourant l'incident, qui a été, à ses dires, «monté en épingle».

Les policiers montrés du doigt

Lors d'un bref entretien téléphonique avec La Presse, elle a déclaré que le protocole de collaboration établi entre l'Éducation nationale et les forces de l'ordre avait été suivi à la lettre et qu'il n'était pas «juste» de dire que l'établissement s'était prêté à un piège.

Selon M. Debono, l'intervention des policiers est «très révélatrice de l'atmosphère dans laquelle» se trouve la société française, la répression prenant une place de plus en plus importante, quitte à empiéter sur «l'inviolabilité» des établissements d'enseignement.

«C'est une tradition qui remonte au Moyen Âge... En mai 1968, c'est l'entrée des policiers dans la Sorbonne qui a servi d'étincelle», relate-t-il.

Les forces de l'ordre ont aussi été montrées du doigt à plusieurs reprises récemment pour avoir cherché à interpeller des immigrants sans papiers qui venaient récupérer leurs enfants à l'école.

Les opérations antidrogue en milieu scolaire soulèvent aussi la controverse. Dans le Gers, des gendarmes accompagnés d'un chien renifleur ont fouillé récemment plusieurs élèves d'un collège lors d'une opération qui a fait scandale.

Une jeune fille a raconté dans les médias français avoir été fouillée au corps par des policiers qui la traitaient avec mépris, arguant qu'elle avait une «tête» suspecte.

Tant le ministre de l'Éducation, Xavier Darcos, que la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, se sont étonnés de l'intervention, parlant d'une confusion entre prévention et répression.

La procureure de la République responsable du dossier, Chantal Firmigier-Michel, a déclaré qu'une vingtaine d'interventions du même type avaient été réalisées dans sa région en 2008.

«Les élèves ont peur de ces contrôles, ça crée de la bonne insécurité», s'est-elle félicitée.

L'intervention des policiers a fait bondir Jacky Dahomay, un professeur de philosophie de la Guadeloupe, qui a démissionné de son poste au sein du Haut conseil français à l'intégration pour souligner son indignation.

«La peur et la répression ont remplacé la mission éducative de l'école», fustigeait récemment dans une lettre ouverte M. Dahomay, qui s'en prend aux politiques répressives du gouvernement.

«Sait-on simplement que lorsque le chien et le gendarme se substituent à l'autorité du maître à l'école, c'est que les loups hurlent déjà aux portes de nos villes? Il s'en suit en général un bruit de bottes sur les trottoirs», souligne-t-il.

La Ligue des droits de l'homme a aussi critiqué l'intervention dans le Gers, l'assimilant à d'autres actions controversées récentes des forces de l'ordre, incluant l'interpellation musclée d'un journaliste du quotidien Libération convoqué par un juge d'instruction dans une banale affaire de diffamation.

«Qu'est-ce qui, dans l'attitude des autorités politiques, laisse croire à des magistrats, à des gendarmes, à des policiers qu'ils peuvent impunément ignorer toutes les règles constitutionnelles et internationales de protection des droits de l'homme?» demande l'organisation.