L'ex-ministre Martine Aubry, architecte de la semaine de travail de 35 heures en France, a finalement été portée à la tête du Parti socialiste, à l'issue d'un duel sans merci avec sa rivale Ségolène Royal qui laisse la principale formation de l'opposition affaiblie et divisée.

Après plusieurs jours de contentieux, Martine Aubry a été déclarée mardi gagnante du vote des adhérents du parti, qui s'était tenu vendredi, par une commission de vérification du scrutin, puis par les instances dirigeantes du parti.

Martine Aubry a immédiatement tendu la main à sa rivale: «Les conditions dans lesquelles le vote a eu lieu, de manière serrée, ne me donnent que des devoirs. Mon premier devoir, si elle accepte, est de rencontrer Ségolène», a déclaré Mme Aubry, qui est la fille de l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors.

«Il n'y a pas un bloc contre un autre. Il n'y a pas ici deux partis socialistes. Il y a un seul parti qui veut vivre ensemble et qui veut respecter ensemble ses règles et ses militants», a affirmé de son côté le Premier secrétaire sortant François Hollande.

Le parti socialiste, principal parti d'opposition au président de droite Nicolas Sarkozy, sort déchiré du feuilleton de la désignation de son nouveau chef. Après un congrès, mi-novembre à Reims, incapable de définir une ligne politique et de s'entendre sur une personnalité pour le diriger, la parole était revenue aux 230 000 militants.

Au second tour de ce vote, Martine Aubry, tenante de l'ancrage à gauche du parti n'avait obtenu que 42 voix d'avance sur Ségolène Royal, ancienne candidate à l'élection présidentielle de 2007 et tentée par une alliance avec le centre. À l'issue des vérifications, Martine Aubry est créditée de 102 voix d'avance.

Ces vérifications n'ont pas fait taire les partisans de Ségolène Royal, qui estiment que le scrutin a été entaché d'irrégularités. L'un de ses lieutenants, Manuel Valls a estimé que cette élection était un «déni de justice» et répété son intention de saisir les tribunaux.

«L'heure est à l'unité et au rassemblement», a de son côté déclaré Ségolène Royal, sans reconnaître explicitement la victoire de Martine Aubry.

L'élection d'un chef était censée clore des mois de luttes d'influence et de manoeuvres d'appareil pour le contrôle du parti. Elle a au contraire exacerbé les rivalités.

Encore mardi matin, le camp de Ségolène Royal avait lancé un ultimatum à la commission de vérification en l'enjoignant d'examiner toutes leurs requêtes, menaçant de saisir la justice et même d'appeler à des manifestations.

Les partisans de Martine Aubry avaient répliqué avec virulence, le bras droit de Martine Aubry, François Lamy, dénonçant des «déclarations indignes» et «un putsch médiatique».

Pour Martine Aubry, 58 ans, cette élection marque un retour sur la scène nationale. Depuis 2002, elle s'était repliée sur son fief de Lille, dont elle est la maire. Surnommée «la dame des 35 heures», elle pâtissait des critiques parfois virulentes contre cette loi, présentée par la droite comme l'archétype des réformes centralisatrices de la gauche.

Aujourd'hui, elle plaide pour un PS résolument à gauche, en phase avec les mouvements syndical et ouvrier.

Pour Ségolène Royal, 55 ans, il s'agit d'un sérieux revers. Elle plaidait pour une modernisation du PS dans son fonctionnement et ses méthodes de communication.

Ces batailles internes très dures ont rendu le PS inaudible sur la scène nationale. Face au président Sarkozy, les socialistes se sont peu fait entendre sur la crise financière et même sur des sujets de société, comme la réforme de l'audiovisuel public.

«Je dis à la droite, riez encore quelques jours car dès la semaine prochaine le parti socialiste est de retour dans la proposition», a lancé mardi soir Martine Aubry.