(Miami) Un ancien ambassadeur des États-Unis a été condamné vendredi à Miami à 15 ans de prison pour avoir espionné les États-Unis pendant plusieurs décennies au profit de Cuba, ennemi historique de Washington.

Victor Manuel Rocha, 73 ans, avait été arrêté début décembre, accusé d’avoir été une taupe pour le gouvernement communiste de La Havane tandis qu’il grimpait les échelons de la diplomatie américaine, ayant accès à des documents confidentiels et une influence sur la politique étrangère américaine.

L’ex-diplomate, qui avait plaidé coupable, a été condamné « à la peine maximale autorisée par la loi », selon la juge Beth Bloom, au terme d’une audience de trois heures et demie. La peine a également été assortie d’une amende de 500 000 $ US.

Cette affaire est « l’une des infiltrations parmi les plus longues, et touchant à des niveaux les plus importants, d’un agent étranger au sein de l’État américain », avait estimé au moment de son inculpation le procureur général, Merrick Garland.

« Pendant plus de 40 ans, M. Rocha a travaillé comme un agent sous couverture de l’État cubain », avant qu’une enquête du FBI ne le fasse tomber, a déclaré le procureur général à la presse.

Agent sous couverture

Victor Manuel Rocha a occupé de très hautes positions au sein de la diplomatie américaine : avant de terminer sa carrière au département d’État comme ambassadeur en Bolivie de 2000 à 2002, il a notamment été membre du Conseil de sécurité nationale, organe de la Maison-Blanche, de 1994 à 1995, pendant la présidence de Bill Clinton.

Il a aussi été en poste dans de nombreuses ambassades américaines en Amérique latine, dont celle de La Havane, selon un document judiciaire.

Né en Colombie et naturalisé américain, M. Rocha a commencé à travailler pour la principale agence de renseignement du gouvernement communiste de Cuba dès 1981, selon l’enquête.

Même après avoir quitté le département d’État en 2002 au terme d’une trentaine d’années de service, il a poursuivi son travail d’espionnage pour Cuba, d’après le département de la Justice.

Il a été confondu par un membre de la police fédérale américaine (FBI) qui s’est fait passer, en 2022 et 2023, pour un agent des services cubains de renseignement, selon un document judiciaire.

M. Rocha s’est rendu, en évitant soigneusement d’être suivi, à un rendez-vous avec ce faux agent cubain, qui cachait micro et caméra pour l’enregistrer.

« Plus qu’un grand Chelem »

Il y a évoqué ses « camarades » à Cuba, demandé au faux agent de liaison d’envoyer ses « chaleureuses salutations » à la direction du renseignement à La Havane ou parlé du « grand sacrifice » que fut pour lui sa vie d’agent secret.

Ce qu’il a fait pendant « près de 40 ans » pour le gouvernement communiste de La Havane est « énorme », « plus qu’un grand Chelem », s’est-il félicité lors d’un second rendez-vous à Miami avec le même agent.

L’ancien ambassadeur, vivant à Miami, « faisait toujours référence aux États-Unis comme “l’ennemi” et utilisait le mot “nous” pour décrire Cuba et lui-même », avait souligné en décembre le département de la Justice.

De nombreuses affaires d’espionnage ont émaillé les relations entre les deux pays, ennemis depuis la révolution communiste à Cuba en 1959, en pleine guerre Froide.

En 2001, Ana Montes, analyste des services de renseignement militaires, avait été arrêtée pour espionnage, reconnaissant avoir recueilli du renseignement pendant près d’une décennie pour Cuba. Et en 2010, le diplomate américain Kendall Myers avait été condamné à la prison à vie, reconnu coupable d’avoir espionné pendant 30 ans en faveur de La Havane.

La CIA, de son côté, a tenté à de nombreuses reprises d’assassiner des dirigeants cubains, après l’échec du débarquement dans la baie des Cochons en 1961.

Cuba est soumis à un embargo des États-Unis depuis 1962 et figure encore sur sa liste des pays soutenant le terrorisme.