(Washington) La plupart des juges de la Cour suprême américaine se sont montrés lundi peu enclins à empêcher le pouvoir exécutif d’intervenir auprès des réseaux sociaux pour obtenir le retrait de contenus qu’il estime problématiques, notamment en matière sanitaire.

Les neuf juges ont examiné la décision d’une cour d’appel ultraconservatrice limitant les contacts entre la Maison-Blanche ainsi que des agences fédérales, dont les autorités sanitaires et le FBI, et les géants de l’internet, au nom du Premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté d’expression.

Cette décision, suspendue par la Cour suprême jusqu’à nouvel ordre, leur enjoignait de s’abstenir de « faire pression » sur ces entreprises ou de les « encourager significativement » à retirer des contenus taxés par l’administration du président démocrate Joe Biden de désinformation sur la vaccination contre la COVID-19 ou les résultats des élections.

« Cette affaire devrait porter sur la distinction fondamentale entre la persuasion et la coercition », a plaidé Brian Fletcher, pour le département de la Justice.

Il a invité les juges à réaffirmer que le discours des autorités ne « franchit la ligne de la coercition que s’il comporte objectivement une menace d’action hostile » de la part de l’administration.

Le président de la Cour à majorité conservatrice, John Roberts, a observé que le gouvernement fédéral n’était « pas monolithique » et qu’un désaccord avec une agence n’impliquerait pas forcément de retombées négatives pour le réseau social concerné.

« Cela dilue le concept de coercition, n’est-ce pas », a-t-il objecté à Benjamin Aguinaga, conseiller juridique de Louisiane, un des deux États dirigés par des républicains, avec le Missouri, à l’origine de la plainte.

Les dénonciations de « censure gouvernementale » du représentant des plaignants ont rencontré peu d’écho parmi les juges, à l’exception du conservateur Samuel Alito, qui s’est inquiété d’un « harcèlement constant de Facebook et d’autres réseaux » de la part de la Maison-Blanche et d’autres responsables fédéraux.

Plusieurs de ses collègues, indépendamment de leur orientation, se sont plutôt alarmés des conséquences d’une décision qui interdirait au gouvernement de demander la suppression de publications dangereuses pour les mineurs ou pour la sécurité nationale.

« Punir »

La Cour a ensuite entendu les arguments dans un dossier connexe opposant le puissant lobby américain des armes, la National Rifle Association (NRA), aux autorités de l’État de New York.

La NRA leur reproche de lui avoir fait perdre « des millions de dollars » en dissuadant les compagnies d’assurances et les banques de traiter avec elle en raison du « risque pour leur image ».

À la suite de la tuerie de l’école secondaire de Parkland, en Floride, en février 2018, dans laquelle un ancien élève avait abattu 14 élèves et trois adultes en quelques minutes, une responsable de l’État de New York avait publiquement recommandé aux compagnies d’assurances et aux banques de se dissocier de la NRA.

« Ils ont encouragé les gens à punir la NRA précisément à cause, et uniquement à cause, de ses opinions politiques », a affirmé l’avocat du lobby, David Cole.

La décision de la Cour suprême dans ces deux dossiers n’est pas attendue avant plusieurs mois.

Dans une autre affaire, elle a énoncé la semaine dernière deux conditions pour que les publications d’un responsable sur ses réseaux sociaux personnels également utilisés pour diffuser des informations d’intérêt général relèvent de ses fonctions et non de sa vie privée.

Il s’agissait en l’occurrence d’un responsable municipal du Michigan qui avait bloqué un de ses administrés.

Dans une décision unanime, les juges ont statué que les publications sortaient de la sphère privée quand elles portent sur un domaine dans lequel le responsable a autorité et qu’il y invoque cette autorité.