Une juge du Montana, aux États-Unis, a donné raison lundi à 16 jeunes qui accusaient leur État d’enfreindre leur droit constitutionnel à un « environnement propre et sain » en favorisant l’industrie fossile. Une décision historique dans un pays où le tiers de la population ne croit pas que les changements climatiques sont causés par les activités humaines.

Une juge du Montana, aux États-Unis, a donné raison lundi à 16 jeunes qui accusaient leur État d’enfreindre leur droit constitutionnel à un « environnement propre et sain » en favorisant l’industrie fossile. Une décision historique dans un pays où le tiers de la population ne croit pas que les changements climatiques sont causés par les activités humaines.

Dans sa décision dévoilée lundi, la juge Kathy Seely a déclaré inconstitutionnelle une loi du Montana interdisant aux autorités de prendre en compte les conséquences des émissions de gaz à effet de serre (GES) au moment d’accorder ou non des permis à des entreprises d’énergies fossiles.

« Les plaignants ont un droit constitutionnel fondamental à un environnement propre et sain, ce qui inclut le climat, a écrit la juge dans son verdict qui totalise plus de 100 pages. Les émissions [de GES] du Montana et le changement climatique se sont avérés être un facteur substantiel des impacts climatiques sur l’environnement du Montana et des dommages et préjudices [subis par les jeunes] », a-t-elle ajouté.

La décision risque de donner un nouveau souffle à plusieurs recours climatiques aux États-Unis. Elle pourrait aussi éventuellement avoir des impacts au Canada, estime par ailleurs le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

« Je pense qu’il s’agit de la décision la plus forte jamais rendue par un tribunal en matière de changement climatique », affirme Michael B. Gerrard, directeur du Sabin Center for Climate Change Law, de la faculté de droit de l’Université Columbia, aux États-Unis. « Le droit à un environnement sain est explicitement inscrit dans la Constitution de plusieurs autres États et d’environ 150 autres pays. Cette décision pourrait inspirer des actions en justice similaires dans le monde entier », a-t-il ajouté dans une déclaration écrite transmise à La Presse.

En principe, la décision de la juge Seely rend caduques ces dispositions du Montana Environmental Policy Act. Mais la porte-parole de l’État, Emily Flower, a déclaré que le procureur général, Austin Knudsen, comptait porter la décision en appel.

« Cette décision est absurde, mais elle n’est pas surprenante de la part d’une juge qui a laissé les avocats des plaignants organiser une semaine de publicité financée par les contribuables, alors qu’il s’agissait d’un procès », a indiqué Mme Flower à l’Associated Press.

« Les Montanais ne peuvent pas être accusés de changer le climat – même les témoins experts des plaignants s’accordent à dire que notre État n’a pas d’impact sur le climat mondial. La même théorie juridique a été rejetée par les tribunaux fédéraux et les tribunaux de plus d’une douzaine d’États. Elle aurait dû l’être ici aussi, mais ils ont trouvé une juge idéologique qui s’est pliée en quatre pour permettre à l’affaire d’aller de l’avant et obtenir une place dans leur prochain documentaire », a-t-elle ajouté.

« À l’issue d’un procès au cours duquel des climatologues ont témoigné sous serment et ont été soumis à un contre-interrogatoire (ce qui est très rare en soi), la Cour a rendu une décision de 103 pages selon laquelle l’utilisation des combustibles fossiles est la principale cause du changement climatique, qui entraîne à son tour de graves répercussions sur la santé et l’environnement, lesquelles ne cesseront de s’aggraver », rétorque Michael Gerrard.

Pendant les audiences, l’État a fait valoir que même si le Montana cessait complètement de produire du CO2, cela n’aurait aucun effet à l’échelle mondiale, car les États et les pays du monde entier contribuent à la quantité de CO2 dans l’atmosphère.

« Le tribunal a rejeté cet argument qu’on entend souvent », explique Marc Bishai, avocat au CQDE. « Si on applique cette logique, ça veut dire que personne ne fait rien [pour réduire les GES]. La juge l’a bien compris », ajoute-t-il.

Seize jeunes aujourd’hui âgés de 5 à 22 ans avaient déposé en 2020 un recours contre l’État du Montana. La Cour suprême de l’État a donné le feu vert, le 6 juin dernier, à la tenue d’un tel procès, malgré plusieurs tentatives des autorités pour faire annuler la poursuite. Les audiences se sont tenues du 12 au 20 juin dernier.

Les jeunes étaient représentés par Our Children’s Trust, un cabinet d’avocats qui a lancé des poursuites climatiques dans les 50 États américains, mais aussi dans plusieurs autres pays, dont le Canada.

Les plaignants ne réclamaient pas de compensations financières, mais souhaitaient plutôt des changements législatifs. « Comme l’État semble vouloir faire appel, ils devront être patients », souligne MBishai.

Des modifications récentes à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement garantissent maintenant le droit à un environnement sain. « Ici, au Canada, je ne serais pas surpris que cette décision soit invoquée, ne serait-ce que de façon symbolique. Mais il reste à voir comment ces modifications [à la loi canadienne] seront mises en œuvre pour se faire une meilleure idée », précise Marc Bishai.

En juillet 2022, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’organisme Environnement Jeunesse, qui accusait le gouvernement fédéral de ne pas prendre des mesures assez fortes pour lutter contre les changements climatiques.

Avec l’Associated Press et l’Agence France-Presse

Pour lire la décision de la juge Kathy Seely (en anglais)

L’histoire jusqu’ici :

Mars 2020

Des jeunes du Montana déposent un recours contre leur État : ils estiment qu’on enfreint leur droit constitutionnel à un « environnement » propre et sain en favorisant l’industrie fossile.

6 juin 2023

La Cour suprême du Montana autorise la tenue d’un procès.

12 au 20 juin 2023

Audiences devant la juge Kathy Seely, du 1er district du Montana

14 août 2023

La juge Seely tranche en faveur des plaignants.

En savoir plus
  • 2180
    Le nombre de poursuites climatiques dans le monde est passé de 884 à 2180 entre 2017 et 2022, selon le plus récent bilan du Sabin Center for Climate Change Law. Ces recours ont été déposés dans 65 pays.
    Source : Sabin Center for Climate Change Law
    54 %
    Selon un récent rapport du Grantham Research Institute on Climate Change, dans les cas où une décision sur le fond a été rendue, 54 % des poursuites ont mené à un renforcement des actions contre les changements climatiques.
    Source : Grantham Research Institute on Climate Change