(New York) Robert F. Kennedy Jr, figure de proue du mouvement antivaccin, a traversé le continent nord-américain pour se rendre à Boston, berceau de sa famille et de la révolution américaine, où il a annoncé mercredi sa candidature à la présidence des États-Unis et revendiqué le flambeau de la plus célèbre dynastie politique de son pays.

Dans une vidéo qui a précédé son entrée en scène au Boston Park Plaza – et pendant toute la durée de son discours-fleuve –, le Californien d’adoption a multiplié les références à son oncle John, 35e président, et à son père Robert, candidat présidentiel en 1968, tous les deux assassinés.

« À l’époque, mon père se trouvait à bien des égards dans la même situation que moi », a déclaré celui qui s’est d’abord fait connaître comme un avocat environnementaliste avant de devenir un critique de la vaccination. « Il se présentait contre un président de son propre parti. Il s’opposait à une guerre. Il se présentait à une époque de clivage sans précédent dans notre pays. Il n’avait aucune chance de gagner. »

PHOTO BRIAN SNYDER, REUTERS

Photo de Robert F. Kennedy Jr et de son père présentée aux partisans du candidat démocrate, au Boston Park Plaza Hotel, mercredi

Mais, a-t-il ajouté, « ce désespoir à l’égard de sa campagne lui a permis de dire la vérité au peuple américain ».

Âgé de 69 ans, Robert Kennedy Jr rejoint donc Marianne Williamson, auteure de livres à succès sur la spiritualité et le bien-être, comme adversaire de Joe Biden dans la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2024.

Et, s’il faut se fier à un sondage publié mercredi par le USA Today, il part avec un nombre surprenant d’appuis. Seuls 67 % des électeurs de Joe Biden en 2020 ont déclaré qu’ils le soutiendraient pour l’investiture démocrate par rapport à ses adversaires actuels. Kennedy se situe à 14 % et Williamson, à 5 %.

« Bien que ses chances soient minces, Kennedy démarre avec plus de 10 % d’appuis et ne peut être ignoré à ce stade-ci », a commenté David Paleologos, directeur du Centre de recherche politique de l’Université Suffolk, qui a mené le sondage.

Une candidature sérieuse ?

Qu’à cela ne tienne : Thomas Whalen, auteur de deux livres sur les Kennedy et professeur d’études sociales à l’Université de Boston, est plus que sceptique face à la candidature du troisième des 11 enfants de Robert et Ethel Kennedy.

« Le célèbre nom de famille Kennedy s’est vraiment terni au cours des dernières décennies », a-t-il confié.

Robert Kennedy est en quelque sorte le dernier et triste point d’exclamation qui marque la fin de la dynastie Kennedy.

Thomas Whalen, professeur d’études sociales à l’Université de Boston

« Il s’agit plus d’une blague que d’une candidature sérieuse », a ajouté le professeur en faisant allusion aux positions de Kennedy liées à la vaccination en général et à la pandémie de COVID-19 en particulier.

Positions semblables à celles de la droite trumpiste

Ces dernières années, RFK Jr a accusé le DAnthony Fauci de « coup d’État contre la démocratie occidentale » ; il a fait la promotion de l’ivermectine, un médicament antiparasitaire, pour traiter la COVID-19 ; et il a déclaré que les Juifs jouissaient d’une plus grande liberté dans l’Allemagne nazie que les Américains face aux mesures de confinement et aux obligations vaccinales.

En 2019, trois membres de sa famille – sa sœur Kathleen Kennedy Townsend, son frère Joseph P. Kennedy II et sa nièce Maeve Kennedy McKean – ont signé sur le site Politico une tribune lui reprochant de participer à « une campagne de désinformation dont les conséquences sont désolantes et meurtrières ».

Mais ce n’est pas le seul sujet pour lequel Robert Kennedy Jr adopte des positions semblables à celles de la droite trumpiste. Il en est de même pour l’Ukraine, dont la défense ne représente pas à son avis un intérêt national vital, ou encore pour les médias, dont il se méfie autant que Donald Trump.

« Les médias nous mentent et tout le monde le sait », a-t-il dit à Boston.

« Agent du chaos utile »

Le 8 avril dernier, il avait déjà qualifié de « mensonge éhonté » un gazouillis du journaliste de CBS Robert Costa selon lequel Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump, l’a encouragé à se présenter contre Joe Biden.

Selon Costa, qui a cosigné avec le célèbre journaliste d’enquête Bob Woodward le livre Peril, Bannon verrait en Kennedy un « agent du chaos utile ».

Steve Bannon n’a rien à voir avec ma campagne présidentielle. Je n’ai jamais discuté d’une candidature à la présidence avec M. Bannon.

Robert F. Kennedy Jr, dans un tweet

Mercredi, Kennedy a affirmé que sa mission « au cours des 18 prochains mois de cette campagne et de ma présidence sera de mettre fin à la fusion corrompue entre le pouvoir de l’État et des entreprises qui a ruiné notre économie, détruit la classe moyenne, pollué nos paysages et nos eaux, empoisonné nos enfants et nous a dépouillés de nos valeurs et de notre liberté ».

RFK Jr est le troisième membre de la dynastie bostonienne à briguer la présidence pendant qu’un démocrate occupe la Maison-Blanche. Après son père en 1968, son oncle Edward, alors sénateur du Massachusetts, l’a également fait en 1980 en défiant Jimmy Carter.

« C’est de mauvais augure pour Joe Biden », a dit Thomas Whalen, mi-figue, mi-raisin. « Chaque fois qu’un Kennedy fait campagne dans ces circonstances, cela a mené à l’élection d’un président républicain ou conservateur, en l’occurrence Richard Nixon et Ronald Reagan. » Jamais deux sans trois ?