(Washington) La décision est imminente : l’administration américaine doit se prononcer sur le sort d’un important projet pétrolier en Alaska, qui met Joe Biden sous pression, face notamment à une énorme campagne d’associations environnementales visant à le convaincre de ne pas donner son feu vert.

Le président démocrate était arrivé au pouvoir en promettant de ne pas autoriser de nouveaux forages pétroliers et gaziers sur les terres fédérales.

Mais il s’est retrouvé pris dans une bataille vieille de plusieurs années autour du projet baptisé Willow, du géant pétrolier américain ConocoPhillips.

Ce projet avait initialement été approuvé par l’administration Trump, avant d’être temporairement stoppé en 2021 par un juge, qui l’a renvoyé à un nouvel examen du gouvernement.

Etant donné que Joe Biden a reconnu la « menace existentielle » que représente le réchauffement climatique, et pris de nombreuses mesures en faveur du développement des énergies renouvelables, autoriser cette exploitation pétrolière serait pour beaucoup vu comme une trahison.

Symboliquement, les forages seraient effectués dans une zone sauvage du nord de l’Alaska, en Arctique, où les températures se réchauffent bien plus vite que sur le reste de la planète, subissant de plein fouet les effets néfastes des émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine.

Mais les défenseurs du projet y voient une source d’emplois, une contribution à l’indépendance énergétique des États-Unis et, pour certains, une étape inévitable en période de transition vers d’autres sources d’énergie.

La riposte des associations environnementales a été massive.

« S’il est approuvé, le projet Willow deviendrait le plus grand projet d’extraction de pétrole sur les terres fédérales aux États-Unis », a souligné Greenpeace, le qualifiant de « bombe de carbone ».

« Nous ne pouvons pas nous le permettre, en tant que planète », a asséné l’organisation Earthjustice.

Une pétition en ligne sur Change.org a recueilli plus de trois millions de signatures.

Une vague de vidéos d’opposition au projet a également déferlé sur le réseau social TikTok. Le hashtag #StopWillow dénombrait plus de 150 millions de vues jeudi midi.

Projet réduit ?

Début février, le Bureau de gestion du territoire avait publié son analyse environnementale, dans laquelle il avait détaillé une « alternative privilégiée ».

Cette dernière réduirait le projet à trois sites de forages au lieu de cinq, avec environ 219 puits.  Ce qui permettrait la production de 576 millions de barils de pétrole sur environ 30 ans, selon les estimations du bureau.

Cela aurait pour conséquence l’émission de 9,2 millions de tonnes de CO2 par an. L’agence américaine note que cette quantité représente 0,1 % des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis en 2019.

Un quatrième site de forage pourrait être ensuite ajouté, selon ce scénario.

ConocoPhillips avait « salué » la publication de ce rapport et estimé que l’alternative proposée était « un chemin viable pour le développement futur de (son) bail ».

Le ministère responsable des terres fédérales aux États-Unis avait, lui, déclaré avoir « d’importantes inquiétudes », y compris concernant cette « alternative privilégiée » et « les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre » qu’elle entraînerait.

La décision finale pourrait sélectionner une alternative encore différente, et réduire encore plus l’ampleur du projet, avait souligné le ministère.

Mais les enjeux économiques sont énormes.

Début mars, trois élus de l’Alaska au Congrès américain, dont la sénatrice républicaine Lisa Murkowski mais aussi une représentante démocrate, ont rencontré Joe Biden pour lui demander d’approuver l’exploitation pétrolière.

« Nous espérons que le président écoutera les voix des autochtones d’Alaska qui vivent sur le versant nord, les voix des responsables de syndicats et des travailleurs prêts à aider à renforcer l’économie de l’Alaska, les voix des responsables de la sécurité nationale soulignant l’importance de “Willow” pour la sécurité énergétique des États-Unis », ont-ils déclaré dans un communiqué à l’issue de cette réunion.

Le projet couvrira, soulignent-ils, 0,002 % de la réserve de pétrole de l’Alaska.

Joe Biden a promis de réduire les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis de 50 à 52 % d’ici 2030, par rapport à 2005.  Un objectif pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, et qui doit permettre à la première économie mondiale d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.