(Miami) Sa candidature à la présidentielle de 2024 aux États-Unis est presque un secret de Polichinelle, mais Ron DeSantis, gouverneur de Floride, résiste à l’idée de descendre prématurément dans l’arène. Le républicain s’évertue à faire de son État un laboratoire des idées conservatrices, espérant qu’elles le propulsent vers la Maison-Blanche.

Étoile montante de la droite dure, cet ancien officier de la marine fait quasi quotidiennement les gros titres des journaux américains, happés par son combat contre les politiques, entreprises et professeurs qu’il qualifie de « wokes ».

En clair, le quadragénaire accuse un groupe d’« élites » d’imposer leur idéologie progressiste à une société qui la refuse, et s’est engagé à faire de son État un rempart.

Les premières salves ont été tirées début 2022, quand Ron DeSantis a restreint l’enseignement à l’école primaire des sujets en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La mesure, très controversée, a été surnommée par ses opposants « Don’t say gay » (« Ne parlez pas des gais »).

« Le tombeau du wokisme »

Quelques mois plus tard, le gouverneur défendait vigoureusement l’interdiction d’un cours au secondaire sur l’histoire afro-américaine, accusant ses auteurs de vouloir endoctriner des enfants.

« La Floride est le tombeau du “wokisme” », avait-il fièrement déclaré en novembre, après avoir été réélu haut la main au poste de gouverneur de cet État du sud-est du pays.

Ancien joueur de baseball universitaire, marié et père de trois enfants, ce catholique incarne l’autorité et la famille traditionnelle, des valeurs qui séduisent l’électorat républicain, comme Katye Campbell, une ancienne enseignante de 48 ans.

« Je suis conservatrice, et je ne pense pas que l’on devrait parler d’orientation sexuelle ou d’identité de genre en cours », confie la mère de trois enfants, membre du conseil d’école de son comté, au nord de Miami.

À gauche, on dénonce une attaque orchestrée contre la liberté d’expression et d’enseignement, qui a notamment conduit au retrait d’une dizaine de livres des bibliothèques scolaires ces derniers mois.

DeSantis se sert de la question de l’éducation en Floride pour faire campagne sur quelque chose qui n’a rien à voir avec l’éducation en Floride », alerte Amy Reid, directrice d’un programme d’études sur le genre à l’université New College.

Son campus a été la dernière cible de l’équipe DeSantis, qui a remanié son conseil d’administration, réputé progressiste, pour lui donner une majorité conservatrice.  

« Construire sa marque »

L’indignation de la gauche américaine, les applaudissements de la droite et une abondante couverture médiatique : les effets des politiques de Ron DeSantis sont toujours les mêmes. Et offrent au gouverneur, qui flirte ouvertement avec l’idée d’une candidature à la présidentielle de 2024, une attention dont de nombreux candidats rêveraient.

Jusqu’ici, la recette a été gagnante.

Quasiment inconnu au bataillon avant sa victoire surprise au poste de gouverneur en 2018, Ron DeSantis a braqué les projecteurs sur son État en s’opposant vivement aux obligations vaccinales et de port du masque durant la pandémie de COVID-19.

Les commerces et écoles de Floride avaient rouvert bien plus tôt que dans le reste du pays, s’attirant les louanges des républicains. Désormais, ce conservateur est perçu comme le plus grand rival de Donald Trump pour l’investiture républicaine.

Comme en atteste le titre de ses mémoires – The Courage to Be Free : Florida’s Blueprint for America’s Revival (Le courage d’être libre : la Floride comme modèle pour redresser les États-Unis) –, Ron DeSantis a les yeux rivés sur la Maison-Blanche.

« La Floride a établi un modèle de gouvernance qui a produit des résultats concrets, tout en incarnant une sorte de camouflet contre les élites bornées qui poussent notre pays au bord du précipice », écrit-il dans ce livre, disponible en rayons mardi.

Mais pour Charles Zelden, professeur de sciences politiques à l’université Nova Southeastern, basée en Floride, le républicain n’est toutefois « absolument pas pressé de déclarer sa candidature ».

« Il est en train de construire sa marque, et c’est plus facile de faire ça en disant qu’il est concentré sur la Floride », analyse le professeur.