Faisant face à l’assèchement du fleuve Colorado, sept États américains avaient jusqu’au 31 janvier pour s’entendre sur un plan de réduction de la consommation d’eau. Six d’entre eux ont fait une proposition commune. Mais pas la Californie. Or, le temps presse…

23 ans de sécheresse

Le Colorado prend sa source dans les montagnes Rocheuses. Dans son parcours jusqu’au golfe de la Californie, il arrose une partie des territoires du Colorado, du Wyoming, de l’Utah, de l’Arizona, du Nouveau-Mexique, du Nevada et de la Californie. Une partie du Mexique, dont la Basse-Californie, en dépend aussi. Or, depuis 23 ans, toute la région est touchée par une sécheresse soutenue. Il est urgent de renverser la vapeur.

Une perte de 33 %

PHOTO JOE BUGLEWICZ, THE NEW YORK TIMES

Quartier résidentiel de Las Vegas, grande ville américaine desservie par le bassin du Colorado

Depuis plus d’un siècle, le débit du fleuve est estimé à 15 millions d’acres-pieds d’eau par année. De 2000 à 2022, cette moyenne est descendue à 12 millions d’acres-pieds. Et dans les trois dernières années, le débit s’est retrouvé sous les 10 millions d’acres-pieds, une perte de 33 %. Quelque 40 millions de personnes et une industrie agricole de 5 milliards de dollars sont desservies par le Colorado et ses affluents.

Modérez-vous

PHOTO MONICA ALMEIDA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le Glen Canyon Dam au lac Powell, en Arizona

Face à la situation, le Bureau of Reclamation, organisme fédéral responsable de la gestion des barrages, des centrales énergétiques et des canaux dans l’ouest des États-Unis, a sommé les États concernés : entendez-vous d’ici le 31 janvier 2023 sur un plan permettant de sauvegarder entre deux et quatre millions d’acres-pieds. Lundi, six États ont proposé une entente de 2,4 millions d’acres-pieds permettant d’éviter que les grands réservoirs des lacs Powell et Mead passent sous des seuils critiques. Critiques dans le sens que les centrales hydroélectriques alimentées par ces réservoirs ne seraient plus en mesure de fonctionner.

Qui sera touché ?

« Sans doute l’industrie agricole pour la plus grande part », indique en entrevue Jeffrey Silvertooth, professeur au département des sciences de l’environnement à l’Université de l’Arizona et spécialiste de l’usage de l’eau en agriculture. « À ce jour, toutes les mesures de réduction entrées en vigueur ont touché l’industrie agricole. D’ailleurs, 80 % de l’eau du Colorado est allouée à cette industrie. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ORGANISME THE NATURE CONSERVANCY

Taylor Hawes

La Californie dans son coin…

PHOTO GREGORY BULL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le canal All-American, qui achemine l’eau du Colorado vers la Vallée impériale, en Californie

La Californie n’a pas donné son accord à cette entente qui prévoit non seulement des restrictions de consommation, mais aussi des efforts pour réduire les pertes par évaporation et transport. Des représentants de la Californie ont fait savoir que l’État proposerait son propre plan. « Cette réponse de la Californie me décourage parce que cela accroît l’incertitude », écrit à La Presse la directrice du programme Colorado River de l’organisme The Nature Conservancy, Taylor Hawes. « Mais je suis encouragée de voir que six États sont prêts à aller de l’avant. La région et le fleuve Colorado ont besoin de solutions pour assurer sa résilience et sa durabilité dans l’avenir. »

… car c’est elle qui a le plus à perdre

Pourquoi la Californie fait-elle bande à part ? Parce qu’elle estime avoir le plus à perdre. Selon un calcul fédéral, chaque État a droit à un volume déterminé d’eau du Colorado. La Californie a droit à 4,4 millions d’acres-pieds. De plus, cet État possède un droit historique lui donnant préséance sur l’eau du fleuve. Ce qui cause des frictions avec ses voisins.

L’impact limité des pluies diluviennes

Les pluies diluviennes enregistrées dans les dernières semaines auront un impact positif, mais limité sur la situation, croit le professeur Silvertooth. « Beaucoup de pluie et de neige, c’est excellent, dit-il, mais il n’y en a pas eu assez pour renverser la sécheresse. Nous avons actuellement une épaisseur de neige, la source principale du fleuve, à 130 % de la moyenne au sommet des Rocheuses. Mais on a noté dans les dernières années qu’avec l’arrivée de la chaleur, la neige fond et s’évapore plus rapidement. »

Éviter une judiciarisation

PHOTO ROSS D. FRANKLIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Faibles niveaux d’eau de la baie de Wahweap, au lac Powell, dans le bassin supérieur du fleuve Colorado

Même si la date limite est franchie, Taylor Hawes ne croit pas que le gouvernement fédéral va agir dès aujourd’hui. « Mais des décisions devront être prises rapidement, indique-t-elle. Le fédéral doit décider s’il accepte la proposition des six États même sans la signature de la Californie. » La pire chose qui pourrait arriver, à son avis, serait que le litige prenne une tournure judiciaire. « Parce que ça va probablement se régler devant la Cour suprême et que ça peut prendre des décennies. Le fleuve Colorado ne peut pas attendre aussi longtemps. »

Avec le New York Times, Colorado Politics, l’Associated Press et United Press International

En savoir plus
  • Acre-pied
    L’acre-pied est une référence américaine d’approvisionnement en eau. C’est la quantité d’eau couvrant sur un pied de hauteur un terrain d’un acre. Cela permet d’approvisionner deux à trois ménages en un an.
    sources : NPR et ASSOCIATED PRESS
    400 000 acres-pieds
    Réduction de la consommation d’eau du Colorado proposée par la Californie en 2022
    SouRce : ASSOCIATED PRESS