Il y a les coups de feu tirés intentionnellement, comme ceux qui ont retenti dans la quarantaine de tueries de masse depuis le début de 2023 aux États-Unis. Et il y a les coups de feu accidentels, responsables d’environ 500 morts chaque année. Comme celui de cet homme tué la semaine dernière par un coup de feu tiré… par un chien.

Un homme tué par un coup de feu tiré… par un chien ? C’est une blague ?

Hélas non. Samedi matin dernier, Joe Smith, un trentenaire de Wichita, au Kansas, est monté dans la camionnette pick-up de son ami. Le tandem roulait sur une route rurale au sud de la ville. Sur la banquette arrière se trouvait le chien de son ami, ainsi que l’équipement de chasse, dont un fusil.

Les circonstances du drame ne sont pas toutes connues, mais selon le bureau du shérif du comté de Sumner (au sud de Wichita), il semble qu’à un moment, « le chien a marché sur l’arme, provoquant la détonation ». Joe Smith a été atteint dans le dos et est mort quasi sur le coup.

Il s’agit donc d’un tragique accident de chasse ?

C’est ce que confirme la police, qui a déjà fermé le dossier. Les amis et collègues de Joe Smith, qui travaillait pour une entreprise de plomberie, ont organisé cette semaine une collecte pour aider sa famille à payer les funérailles. Plus de 20 000 $ ont été récoltés jusqu’ici.

Quand même, un coup de feu tiré par un chien… Quelle malchance !

Ce n’est malheureusement pas la première fois que ça arrive. Le Washington Post en a fait une recension dans un article paru mercredi. En 2004, un chiot a posé la patte sur la détente du revolver de son maître en Floride, le blessant à la main. En 2015, une femme de l’Indiana a été blessée au pied lorsque son labrador a marché sur son arme à feu déverrouillée et laissée au sol. En 2018, un accident semblable à celui survenu au Kansas s’est produit au Nouveau-Mexique lorsqu’un chien voyageant sur la banquette arrière d’une camionnette pick-up s’est pris la patte dans la détente de l’arme de son maître. Le coup de feu a blessé l’homme aux poumons.

Le point commun de ces trois accidents ? La négligence. « Comme tant d’accidents, celui-ci aurait pu être prévenu si des mesures de sécurité de base avaient été respectées », nous écrit Philip J. Cook, professeur à l’Université Duke, auteur de nombreuses études sur les conséquences d’une plus grande circulation d’armes aux États-Unis. « Au minimum, l’arme aurait dû être déchargée et verrouillée. Si les personnes impliquées sont des chasseurs [comme les informations publiées le suggèrent], alors elles auraient dû être bien au fait des règles de sécurité. »

Et quelles sont-elles, ces règles de sécurité ?

Au Canada et au Québec, elles sont claires : lors d’un transport ou de l’entreposage, une arme à feu à autorisation non restreinte (comme une arme de chasse) doit être non chargée en tout temps. Lors du transport, il est recommandé de garder les armes rangées et verrouillées dans un étui verrouillé lui aussi, hors de la vue. Les munitions doivent être transportées séparément de l’arme. Il va sans dire que le propriétaire de l’arme doit détenir un permis de possession d’arme à feu.

Au Kansas… c’est différent. La loi permet de transporter une arme chargée dans un véhicule sans détenir de permis, peu importe si l’arme chargée est entreposée dans un étui ou offerte à la vue de tous.

Donc, si les deux chasseurs n’ont pas enfreint la loi du Kansas, ils auraient pu suivre celle du « bon sens », comme le relève Philip J. Cook.

Peut-on conclure que plus il y a d’armes à feu en circulation, plus il y a de morts accidentelles ?

Oui, évidemment. « Mais c’est surtout l’encadrement légal qui fait la différence », note Francis Langlois, professeur au cégep de Trois-Rivières et chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand. « Il y a des pays où on trouve beaucoup d’armes, comme la Suisse, mais où l’encadrement fait la différence sur le taux de décès », illustre-t-il. Il y a aussi des exceptions, dit M. Langlois, comme le Vermont et le Maine, où le contrôle des armes s’aligne sur les normes minimales fédérales, tout en ayant un taux de décès par arme à feu moins élevé que dans d’autres États.

Mais le point commun de nombreux coups de feu accidentels et mortels, qu’ils aient été tirés par un chien ou par un acteur de cinéma, « c’est la négligence », rappelle M. Langlois. « Quand les armes sont manipulées de façon négligente par des personnes inexpérimentées, ça cause davantage d’accidents. Ce n’est pas pour rien qu’il y a des lois pour encadrer les armes à feu. »

Davantage d’accidents mortels aux États-Unis

En 2020 aux États-Unis, près de 500 personnes ont été tuées par un coup de feu accidentel. C’est beaucoup plus qu’au Canada, même en tenant compte de la population. Selon Statistique Canada, le nombre de personnes tuées au pays par une décharge accidentelle d’arme à feu a connu des hauts et des bas depuis 20 ans. Entre 2000 et 2004, il se situait entre 18 et 20 par année, avant d’amorcer une diminution qui allait atteindre seulement 2 décès en 2014 (le fameux Registre des armes à feu a été aboli en 2012). Depuis huit ans, le nombre de morts a recommencé à augmenter, atteignant 15 décès en 2020 (dernière année pour laquelle les données sont disponibles).

En savoir plus
  • 15
    Nombre de morts accidentelles par arme à feu en 2020 au Canada (environ 0,04 pour 100 000 habitants)
    Sources : Statistique Canada, Pew Research Center
    500
    Nombre de morts accidentelles par arme à feu en 2020 aux États-Unis (environ 0,15 pour 100 000 habitants)
    Sources : Statistique Canada, Pew Research Center