(Washington) Les républicains s’affairaient en coulisses jeudi pour désigner enfin un président à la Chambre américaine des représentants, et mettre un terme à la paralysie générée par la fronde d’une poignée d’élus de l’aile droite du parti.

Favori pour remplacer Nancy Pelosi au perchoir, le républicain Kevin McCarthy s’est vu forcer à faire de nouvelles concessions mercredi soir face aux revendications d’une vingtaine d’élus trumpistes.  

Membres de la frange la plus conservatrice du parti, ces élus accusent M. McCarthy d’être trop modéré et profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour poser leurs conditions.  

Le républicain, qui ne peut pas être élu sans leur soutien, a notamment accédé à une de leur requête visant à faciliter l’éviction du « speaker », d’après plusieurs médias américains.  

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L’élu républicain du Texas Chip Roy prend la parole à la Chambre des représentants, mercredi.

Kevin McCarthy, membre de l’état-major républicain depuis plus de 10 ans, avait déjà accédé à nombre des exigences de ce groupe, sans que cela ne permette de débloquer la situation. Pire, l’opposition à sa candidature semblait se cristalliser.  

L’Amérique veut « un nouveau visage, une nouvelle vision, un nouveau leadership », a lancé le turbulent élu du Texas Chip Roy depuis l’hémicycle mercredi.

« Chamailleries »

Après six votes infructueux depuis mardi, les élus s’étaient accordés mercredi soir pour suspendre leurs débats jusqu’à jeudi midi.

L’élection du « speaker », le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Kevin McCarthy n’a pour le moment pas réussi à dépasser les 203.

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Steve Scalise, représentant républicain de la Louisiane

L’élu de Californie ne dispose pas pour autant de concurrent crédible. Seul le nom du chef de groupe Steve Scalise circule comme possible alternative, sans que ses chances ne semblent sérieuses.

Ce blocage a des répercussions très concrètes : sans président, les élus ne peuvent pas prêter serment, et donc passer quelconque projet de loi.  

« J’ai l’espoir aujourd’hui que les républicains arrêteront les chamailleries, la médisance, et les coups dans le dos, afin que nous puissions travailler au service du peuple américain », a déclaré jeudi le démocrate Hakeem Jeffries.  

L’élu, candidat des démocrates au perchoir, s’exprimait lors d’une conférence de presse en amont de la troisième journée de vote.

Et pour l’élue démocrate Katherine Clark, la date n’est pas non plus anodine.

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Kevin McCarthy et l’ancien président Donald Trump, qui a appelé son parti à tout faire pour « éviter une défaite »

« Demain représente le deuxième anniversaire de (l’assaut sur le Capitole) du 6 janvier, c’est une journée noire pour notre pays, mais le paroxysme de ce qu’est devenu le parti républicain », a-t-elle déclaré.

Le président démocrate Joe Biden avait qualifié mercredi cette situation d’« embarrassante », assurant que « le reste du monde » suivait de près la pagaille au Congrès.

Agacement

L’agacement commençait à se faire sentir dans l’état-major du « Grand Old Party », donnant lieu à des débats très animés dans l’hémicycle.  

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Le président américain Joe Biden salue les membres des médias à son retour à la Maison-Blanche, mercredi, après une visite dans le Kentucky.

« Nous avons du travail à faire et auquel nous ne pouvons pas nous atteler », a dénoncé l’élu républicain Mike Gallagher.

Les républicains se trouvent ainsi dans l’incapacité pour le moment d’ouvrir les nombreuses enquêtes qu’ils avaient promises contre Joe Biden.

Mercredi, Donald Trump est sorti du bois, exhortant le groupe d’électrons libres à rentrer dans le rang.

Mais l’ancien président, dont la réputation de faiseur de rois a sérieusement été mise en doute ces derniers mois, n’est pas non plus parvenu à les convaincre.

Une situation que les démocrates observent avec un certain amusement, entre rires narquois et applaudissements à leurs collègues républicains. Le parti de Joe Biden fait bloc autour de la candidature du chef Hakeem Jeffries, mais l’élu ne dispose pas non plus d’assez de voix pour accéder au perchoir.

Les élus continueront à voter jusqu’à ce qu’un président de la Chambre des représentants soit élu. Cela devait être l’affaire de quelques heures, mais pourrait s’étendre sur plusieurs semaines : en 1856, les élus du Congrès ne s’étaient accordés qu’au bout de deux mois et 133 tours.

Être face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s’il confirme son intention de se représenter en 2024 – décision qu’il doit annoncer en début d’année.