Les élections de mi-mandat aux États-Unis constituent normalement l’expression de l’insatisfaction des électeurs face au gouvernement en place, qu’il soit démocrate ou républicain. En 22 élections de mi-mandat entre 1934 et 2018, les partis des présidents en fonction ont perdu en moyenne 28 sièges à la Chambre et 4 au Sénat, selon le site The American Presidency Project. Rappels historiques.

1938 et 1942 : Franklin Delano Roosevelt (démocrate)

Élu président en 1932 et réélu trois fois – une exception –, Franklin Delano Roosevelt a laissé la perception d’un président très populaire. Or, il a goûté à la colère des électeurs aux élections de mi-mandat de 1938 et de 1942, en perdant successivement 81 et 46 sièges à la Chambre des représentants ainsi que 7 et 9 sièges au Sénat.

« Les élections de 1938 constituent une répudiation directe de la tentative de Roosevelt de changer la composition de la Cour suprême [qui a invalidé plusieurs de ses lois], indique David M. Kennedy, professeur d’histoire émérite à l’Université Stanford, en Californie. Il y avait aussi une accumulation d’insatisfaction face aux coûts du New Deal. Enfin, Roosevelt a aussi fait campagne contre les démocrates conservateurs, notamment dans le sud du pays. Mais ses actions ont eu l’effet inverse. »

Les pertes essuyées en 1942 sont plus difficiles à expliquer dans le contexte de la guerre, mais, croit M. Kennedy, le président s’est mis à dos l’aile conservatrice des deux partis, avec des politiques jugées trop à gauche et trop coûteuses.

PHOTO DAVID HUME KENNERLY, BIBLIOTHÈQUE GERALD R. FORD, FOURNIE PAR LE NEW YORK TIMES

Le président républicain Gerald Ford, assis dans le bureau Ovale, en compagnie du secrétaire d’État Henry Kissinger

1974 : Gerald Ford (républicain)

Le 7 novembre 1972, le président républicain Richard Nixon est réélu avec une majorité écrasante. Mais le scandale du Watergate rattrape Nixon, qui démissionne le 9 août 1974. Trois mois plus tard, son successeur, Gerald Ford, assiste à la déconfiture des républicains qui perdent 48 sièges à la Chambre des représentants et 5 au Sénat. L’économie chancelante fait aussi mal au gouvernement en place. Et plusieurs Américains sanctionnent le pardon complet et inconditionnel que Ford a accordé à son prédécesseur.

PHOTO GEORGE TAMES, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le président républicain Ronald Reagan et sa femme Nancy, le jour de son entrée en fonction, le 20 janvier 1981

1982 : Ronald Reagan (républicain)

Le 2 novembre 1982, les premières élections de mi-mandat de Ronald Reagan se caractérisent par un résultat mitigé. Frappés par une importante récession et un taux de chômage de plus de 10 %, les électeurs sont insatisfaits des politiques reaganiennes et font perdre 26 sièges aux républicains à la Chambre. Mais au Sénat, le Parti républicain conserve sa majorité de 54 sièges. Aux médias, Reagan lance : « À la lumière de la performance de l’opposition dans les élections de mi-mandat, j’ai toutes les raisons de sourire. »

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le président démocrate Bill Clinton, en 1994

1994 : Bill Clinton (démocrate)

Avec une perte de 52 sièges à la Chambre et 8 au Sénat, les démocrates de Bill Clinton marquent l’histoire de la mauvaise façon en 1994. Pour la première fois en 40 ans, ils perdent le contrôle de la Chambre basse. Ce qui explique cette déconfiture démocrate ? Une stratégie républicaine proposant un ensemble de réformes (réduction de la taille de l’État, taxation, lutte contre la criminalité) sous le nom Contract with America. De plus, la tentative ratée de Bill Clinton de réformer le système de santé lui fait perdre des points.

PHOTO PABLO MARTINEZ MONSIVAIS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le président républicain George W. Bush, le 29 janvier 2003, jour de son discours sur l’état de l’Union.

2002 : George W. Bush (républicain)

Les élections de mi-mandat de 2002 sont l’exception qui confirme la règle. Les États-Unis restent traumatisés par les attentats du 11 septembre 2001. Le taux d’approbation à l’endroit de George W. Bush dépasse les 60 %. Les républicains gagnent huit sièges à la Chambre et deux au Sénat. L’approche du déclenchement de la guerre en Irak (mars 2003) n’a pas nui à Bush. « Avant et dans les mois après l’invasion, cette guerre est populaire chez les Américains », dit Rafaël Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand. Mais aux élections de mi-mandat de 2006, désabusés et ébranlés, les Américains pénalisent l’administration Bush qui perd 30 sièges à la Chambre et 6 au Sénat.

PHOTO GABRIELLA DEMCZUK, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le président démocrate Barack Obama lors d’un discours à Milwaukee en septembre 2014

2010 : Barack Obama (démocrate)

Il est élu en novembre 2008 dans un enthousiasme rarement vu. Mais en novembre 2010, Barack Obama et les démocrates encaissent une des plus grandes défaites de l’histoire des élections de mi-mandat en perdant 63 sièges à la Chambre et 6 au Sénat. « L’économie continuait à aller mal. On commençait à récupérer certains emplois perdus pendant la crise de 2007-2008-2009. Mais le taux de chômage restait élevé, autour des 10 % », rappelle Rafaël Jacob. Ce dernier ajoute que le président et son gouvernement étaient alors englués dans « le débat extrêmement émotif » de l’Obamacare (une extension de la couverture d’assurance médicale), qui a mis du temps à être acceptée.

PHOTO MANDEL NGAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump quittant la Maison-Blanche le 20 janvier 2021, quelques heures avant la prestation de serment de Joe Biden

2018 : Donald Trump (républicain)

Les élections de mi-mandat de 2018 sont difficiles pour les républicains, qui perdent 40 sièges à la Chambre des représentants. Les démocrates reprennent le contrôle de la Chambre pour la première fois depuis 2010. Par contre, les troupes de Donald Trump ajoutent deux sièges au Sénat et en conservent le contrôle. Les démocrates ont attaqué les républicains sur leur tentative d’abroger les dispositions de l’Obamacare qui… est devenue populaire ! « Cela montre que l’opinion publique autour d’un thème peut bouger avec le temps », estime Rafaël Jacob.