(New York) Le 13 mai dernier, John Fetterman a subi un infarctus cérébral qui a failli lui coûter la vie.

Quatre jours plus tard — et deux jours seulement après avoir annoncé son accident vasculaire cérébral (AVC) au public —, le lieutenant-gouverneur de Pennsylvanie, aujourd’hui âgé de 53 ans, a écrasé le représentant Conor Lamb, adversaire d’une envergure certaine, lors de la primaire démocrate pour l’élection sénatoriale de l’État.

C’est dire à quel point les électeurs démocrates de Pennsylvanie s’étaient enthousiasmés pour ce géant aux bras tatoués qui a l’habitude de s’habiller comme le plus typique partisan des Steelers de Pittsburgh, équipe de football au cœur de l’identité du Keystone State.

Mais cet AVC a laissé des séquelles. Séquelles que John Fetterman devra surmonter mardi soir à l’occasion de son seul et unique débat programmé contre son adversaire républicain, le DMehmet Oz. A-t-il les capacités pour participer à une telle joute oratoire ?

Les deux hommes sont engagés dans l’une de ces courses dont on dit qu’elles pourraient déterminer la prochaine majorité au Sénat américain après les élections de mi-mandat, le 8 novembre.

Mais la course de Pennsylvanie est exceptionnelle à plus d’un titre. Il y a évidemment la présence de ce DOz, chirurgien cardiaque qui doit sa célébrité à une émission de télévision dont il était l’animateur, et sa candidature portée par Donald Trump, sans l’appui duquel il n’aurait pas remporté la primaire républicaine.

Il y a aussi le fait que Fetterman a connu ses meilleurs moments, si l’on se fie aux sondages, pendant les mois où il était en convalescence. Cette période a coïncidé avec une série d’attaques diffusées par son camp sur les réseaux sociaux. Attaques qui dépeignaient le DOz comme un candidat à la fois parachuté — il a vécu la majeure partie de sa vie au New Jersey — et déconnecté de la réalité des gens ordinaires — il possède dix propriétés.

(Fetterman, il faut le dire, est lui-même issu d’un milieu aisé. Mais après avoir décroché trois diplômes universitaires, dont une maîtrise en politiques publiques de Harvard, il a notamment été maire pendant 13 ans de Braddock, ville ouvrière située près de Pittsburgh.)

La contre-attaque du DOz a suivi la fin de la convalescence de son rival. Son équipe de campagne s’est moquée notamment de son refus de participer à un premier débat, prévu au début de septembre. Fetterman a prétexté qu’il avait besoin d’un peu plus de temps pour se remettre de son AVC et améliorer ses capacités auditives de même que son élocution.

« Nous paierons pour tout le personnel médical supplémentaire dont il pourrait avoir besoin », a ironisé l’équipe du DOz en publiant une liste de fausses concessions destinées à convaincre Fetterman de participer au débat.

Le camp rival n’a pas mis de temps à répliquer, diffusant le même jour une vidéo dans laquelle Fetterman demandait à un groupe d’électeurs : « Combien d’entre vous ont eu un gros problème de santé dans leur vie ? Pouvez-vous même imaginer qu’un médecin puisse se moquer de votre maladie ou tourner cela en ridicule ? Eh bien, nous en sommes là. »

Mais les questions sur l’état de santé de Fetterman subsistent. Et les médias ont reproché au candidat de ne pas toujours avoir été transparent. Il a, par exemple, attendu au mois de juin pour révéler qu’il avait failli mourir après son AVC. Il a aussi reconnu qu’il aurait dû prendre sa santé plus au sérieux, notamment en prenant des médicaments qu’un médecin lui a prescrits en 2017.

Vendredi dernier, son médecin a publié une lettre affirmant que Fetterman était prêt à assumer « pleinement ses fonctions publiques » et qu’il se rétablissait bien de son AVC, à la suite duquel il s’est fait installer un défibrillateur cardiaque.

Mais Fetterman « continue à présenter les symptômes d’un trouble du traitement auditif qui peut se traduire par une difficulté d’audition », a ajouté le médecin.

Ce problème a été à l’origine d’une vive controverse après la première interview télévisée à laquelle s’est prêté le candidat, le 11 octobre dernier. Fetterman, comme il le faisait déjà pour d’autres types d’interviews, a utilisé un logiciel qui retranscrivait simultanément sur un écran les questions de la journaliste de NBC Dasha Burns (il utilisera le même dispositif à l’occasion du débat). Il a répondu aux questions de façon cohérente, mais a buté sur le mot « empathique ».

La polémique a éclaté lorsque la journaliste a fait cette remarque au chef d’antenne Lester Holt, en présentant son reportage sur Fetterman : « Lors d’un échange informel avant l’entrevue, sans sous-titrage, il n’était pas clair qu’il comprenait notre conversation. »

Le DOz n’a pas manqué d’exploiter cette remarque. « Je ne pense pas que le sous-titrage soit offert dans l’enceinte du Sénat », a-t-il déclaré sur la chaîne Fox Business.

PHOTO GENE J. PUSKAR, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Mehmet Oz, candidat républicain au poste de sénateur de Pennsylvanie

Mais des journalistes et des défenseurs des personnes handicapées ont critiqué Dasha Burns, qui semblait selon eux présenter le sous-titrage — un accommodement pour un handicap temporaire (ou durable) — comme un problème susceptible de disqualifier le candidat démocrate.

Il reviendra évidemment aux électeurs de Pennsylvanie de trancher la question. Et le débat de mardi soir devrait jouer un rôle crucial dans leur réflexion.

Les principaux enjeux

Dans leur combat pour remplacer le sénateur républicain de Pennsylvanie Pat Toomey, qui se retire, John Fetterman et Mehmet Oz ne se distinguent pas souvent par la hauteur de leurs arguments. Mais ils martèlent quand même certains enjeux.

Fetterman a exprimé son appui à la légalisation du cannabis, à un meilleur contrôle des armes à feu, à la protection du droit à l’avortement et à la hausse du salaire minimum fédéral. Côté environnement, il s’est dit en faveur de la transition énergétique, tout en défendant la fracturation hydraulique, ce qui semble contradictoire.

Oz, lui, a mis le paquet sur la criminalité, à la hausse dans plusieurs villes, dont Philadelphie. Dans une de ses pubs, il a accusé Fetterman de vouloir continuer à libérer des meurtriers, une référence au rôle du lieutenant-gouverneur au sein d’une commission chargée de commuer des peines ou de gracier des personnes injustement condamnées. Ces attaques semblent avoir contribué à un resserrement considérable de la course. Le candidat républicain, qui se dit « pro-vie », a également promis de « défaire le programme raté de Biden » et de « mettre les Américains en premier », un slogan qu’il aime répéter.

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    Avance de John Fetterman sur Mehmet Oz, selon la moyenne des sondages du site Five Thirty Eight