(New York) Peter Meijer est le genre de républicain dont les démocrates disent déplorer la disparition.

Élu à la Chambre des représentants en novembre 2020, ce jeune politicien du Michigan a fait preuve d’un sens élevé des responsabilités dès sa première élection. Le 6 janvier 2021, il a approuvé la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020. Et, une semaine plus tard, il a été l’un des dix représentants de son parti à voter pour l’acte d’accusation de Donald Trump pour « incitation à l’insurrection » lors de l’assaut du Capitole.

Qu’à cela ne tienne, des démocrates ont œuvré récemment pour assurer la disparition de Peter Meijer.

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John Gibbs, candidat à la primaire républicaine dans le Michigan

Dans les jours qui ont précédé une primaire républicaine très médiatisée, ils ont dépensé 425 000 $ pour diffuser une publicité destinée à faire valoir la candidature de John Gibbs, son principal adversaire à la primaire républicaine.

John Gibbs croit à diverses théories du complot, dont le trucage de l’élection présidentielle de 2020.

Peter Meijer a perdu cette primaire, mardi dernier. L’argent du Comité électoral des démocrates de la Chambre des représentants a-t-il fait pencher la balance ?

Impossible de répondre à cette question avec certitude.

Mais la stratégie déployée par les démocrates dans ce scrutin leur vaut ces jours-ci d’être traités d’hypocrites, de cyniques et d’irresponsables. Et ces accusations viennent parfois de leurs propres rangs.

Car Peter Meijer n’a pas été la seule cible de cette stratégie. Depuis le début de la saison des primaires, des organisations démocrates ont dépensé des dizaines de millions de dollars en publicités pour aider la cause de candidats républicains extrémistes au détriment d’adversaires républicains plus modérés.

L’objectif est le même partout : favoriser la victoire d’un candidat républicain qui serait, en théorie, plus facile à battre en novembre prochain.

Comment cette stratégie se déploie-t-elle ?

Le cas de John Gibbs, le rival de Peter Meijer, est typique. À première vue, la publicité payée par le Parti démocrate le concernant paraissait négative. Elle affirmait que ce candidat était « trop conservateur pour l’ouest du Michigan », qu’il avait été « trié sur le volet par Donald Trump », qu’il avait « travaillé dans l’administration Trump avec Ben Carson » et qu’il avait promis de défendre au Congrès « le même programme conservateur » que l’ancien président, notamment en matière d’immigration et d’éducation.

En entendant cette description, des partisans de Trump ont pu se dire : « Je ne connaissais pas ce John Gibbs, mais il m’intéresse. »

Au Maryland, l’Association des gouverneurs démocrates a dépensé plus de 2 millions de dollars pour faire connaître Dan Cox, un des candidats républicains au poste de gouverneur de cet État. Promoteur du « grand mensonge » sur l’élection présidentielle de 2020, Cox a assisté au rassemblement qui a précédé l’assaut du Capitole.

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Dan Cox, délégué de l’État du Maryland, après avoir remporté la primaire républicaine pour le poste de gouverneur

Dans leur publicité sur Cox, les démocrates donnaient l’impression de l’attaquer en le qualifiant de « 100 % pro-vie » et pro-armes.

Cox protégera le second amendement à tout prix. Dan Cox, trop proche de Trump, trop conservateur.

Extrait d’une publicité du Parti démocrate

À la veille des primaires du Maryland, le mois dernier, la publicité a peut-être fini par convaincre des conservateurs de voter pour Cox. Chose certaine, ce dernier a été choisi par les républicains comme candidat à la succession du gouverneur républicain modéré Larry Hogan, qui l’avait traité de « taré de QAnon ».

Des pubs démocrates adoptant la même approche ont également été diffusés avant des primaires républicaines pour les élections aux postes de gouverneur, de sénateur ou de représentant dans plusieurs États, dont la Pennsylvanie, l’Illinois, le Colorado, le Nevada, l’Arizona et la Californie.

En Pennsylvanie, une pub démocrate a peut-être contribué à la victoire de Doug Mastriano, un farouche adversaire de l’avortement qui a participé aux efforts de Donald Trump pour faire invalider les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Du pareil au même

La stratégie des démocrates ne date pas d’hier. En 2012, la future sénatrice démocrate du Missouri, Claire McCaskill, l’avait utilisée pour faire la promotion de Todd Akin, un candidat républicain qui s’était avéré trop extrémiste pour son État conservateur. Akins avait torpillé sa propre campagne en affirmant qu’il était rare qu’une femme tombe enceinte lors d’un « vrai viol ».

Or, dix ans plus tard, cette stratégie semble contredire l’affirmation répétée des démocrates selon laquelle les adeptes du « grand mensonge » de Donald Trump menacent la démocratie américaine.

C’est dégoûtant. Je reconnais qu’un certain nombre de démocrates comprennent vraiment que la démocratie est menacée, mais ne venez pas me voir après avoir dépensé de l’argent pour soutenir un négationniste électoral en demandant : “Où sont tous les bons républicains ?”

— Adam Kinzinger, représentant républicain de l’Illinois membre de la commission du 6-Janvier, sur les ondes de CNN

La stratégie pourrait se retourner contre les démocrates d’une autre façon. Les élections de mi-mandat donnent souvent lieu à des vagues qui contribuent à l’élection de candidats qui ne gagneraient pas nécessairement en d’autres circonstances.

Il n’est donc pas exclu que les démocrates se retrouvent notamment avec un John Gibbs à la place d’un Peter Meijer à la Chambre des représentants.