(Leawood) Les électeurs du Kansas, dans le centre des États-Unis, se sont prononcés mardi pour le maintien de la garantie constitutionnelle sur l’avortement, lors du premier scrutin majeur sur l’avortement depuis que la Cour suprême des États-Unis a annulé le droit fédéral à l’avortement.

Les électeurs de cet État conservateur ont rejeté un amendement qui aurait supprimé le texte garantissant le droit à l’avortement dans la Constitution de l’État et aurait pu ouvrir la voie à une réglementation plus stricte ou à une interdiction.

Ils devaient dire si, oui ou non, la Constitution de cet État traditionnellement conservateur doit être modifiée pour en retirer la garantie du droit à l’avortement.

Au-delà des conséquences très concrètes que ce vote aurait pu avoir pour les habitantes du Kansas, le scrutin était vu comme un test politique au niveau national, de nombreux États conservateurs ayant déjà interdit ou comptant interdire rapidement tout droit à l’avortement.

Quelques instants après la fermeture des bureaux de vote à 19 h (20 h, heure de Montréal), Scott Schwab, chargé de superviser les élections au Kansas, a déclaré que la participation était d’au moins 50 %, un chiffre conforme aux attentes pour ce type de scrutin, a rapporté un média local.

À midi, près de 250 électeurs étaient passés par le bureau de vote d’Olathe, dans la banlieue de Kansas City, le même nombre à cette heure que lors d’une présidentielle, selon l’agente électorale Marsha Barrett.

« Cette élection est folle », a-t-elle dit à l’AFP. « Les gens sont déterminés à voter ».

Les personnes en faveur du changement, les partisans du « oui », affirmaient qu’il permettrait aux législateurs de réguler l’avortement sans ingérence de la justice. La campagne « Value Them Both » — « Les deux comptent », référence à la femme et au fœtus — assure que l’interdiction de l’avortement n’est pas son objectif.

Mais dans le camp d’en face, celui du « non », les militants voyaient dans l’amendement de la Constitution une tentative à peine voilée pour ouvrir la voie à une interdiction claire et nette par le parlement local dominé par les républicains, qui marcherait ainsi dans les pas d’au moins huit autres États américains depuis la décision de la Cour suprême des États-Unis en juin.

Morgan Spoor, 19 ans, votait pour la première fois et a assuré vouloir promouvoir « le droit de choisir ».

Chris Ehly, habitant de Prairie Village, s’est aussi prononcé contre la modification de la Constitution afin de « respecter » sa femme et sa fille, « catégoriques sur la question », a-t-il expliqué à l’AFP.

« Je veux vraiment faire entendre ma voix, surtout en tant que femme. Je ne pense pas que quiconque puisse dire ce qu’une femme peut faire avec son corps », dit-elle.

Au contraire, Sylvia Brantley, 60 ans, a dit « oui » au changement, parce qu’elle pense que « les bébés comptent aussi ».

Elle a expliqué vouloir davantage de réglementations, pour que le Kansas ne soit pas un endroit « où les bébés sont tués ».

Réalité politique compliquée

Les partisans du « non » observaient avec anxiété les États voisins du Missouri et de l’Oklahoma qui ont imposé des interdictions quasi totales. Le Missouri n’admet ainsi pas d’exceptions en cas de viol ou d’inceste.

D’autres États, dont la Californie et le Kentucky, doivent voter sur la question en novembre, en même temps que les élections de mi-mandat au Congrès au cours desquelles républicains et démocrates espèrent mobiliser leurs partisans autour de l’avortement.

Au Kansas même, un élu conservateur local a présenté cette année un projet de loi qui interdirait l’avortement sans exception pour le viol, l’inceste ni pour protéger la vie de la mère.

Actuellement, l’avortement est légal au Kansas jusqu’à 22 semaines de grossesse. L’autorisation parentale est requise pour les mineures.

Le vote, qui coïncide avec les primaires du Kansas, constituait la première occasion pour des électeurs américains d’exprimer leur point de vue sur l’avortement depuis que la Cour suprême a annulé son arrêt historique de 1973 Roe v. Wade.

Les démocrates sont pour beaucoup pour le droit à l’avortement, tandis que les conservateurs sont en général favorables à au moins quelques restrictions.

Mais au Kansas, la réalité politique est plus compliquée.

L’État penche fortement républicain et n’a pas voté pour un démocrate à la Maison-Blanche depuis 1964.

Mais le comté le plus peuplé du Kansas a élu une démocrate, Sharice Davids, à la Chambre des représentants en 2018, et la gouverneure de l’État, Laura Kelly, est démocrate.

Selon un sondage de 2021, moins de 20 % des sondés au Kansas étaient d’accord pour dire que l’avortement devrait être illégal même en cas de viol ou d’inceste.