L’ex-président américain Donald Trump a tenté de joindre un témoin qui a échangé avec le comité d’enquête de la Commission du 6-Janvier, mais n’a pas encore témoigné en public. C’est la révélation faite par la vice-présidente (républicaine) de cette commission, Liz Cheney, au terme de la septième audience tenue mardi à Washington.

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« À la suite de notre dernière audience [le 28 juin], le président Trump a essayé d’appeler un témoin que vous n’avez pas encore vu, a lancé Mme Cheney. Cette personne a refusé de répondre à l’appel du président. Elle a plutôt averti son avocat qui nous en a informés. Cette commission a transmis ce renseignement au département de la Justice. »

La nouvelle a eu l’effet d’une bombe au moment où la commission ajournait ses travaux à la semaine prochaine.

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Donald Trump, le 6 janvier 2021 à l’Ellipse

« Si cela s’avère, c’est quand même assez grave. Le département de la Justice est au courant et cela serait peut-être une tentative d’intimider le témoin, indique Valérie Beaudoin, chercheuse associée à l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Mais à quel point peut-on prouver cela, comme il n’y a pas eu [de conversation] téléphonique [car le témoin n’a pas répondu] ? »

Il faudra maintenant attendre de voir s’il y aura une suite à cette affaire, notamment du côté du département de la Justice.

Ponctuée par les témoignages de Stephen Ayres et de Jason Van Tatenhove, deux anciens manifestants autrefois associés aux groupes extrémistes Proud Boys et Oath Keepers, l’audience de mardi a aussi mis en lumière le fait que l’idée lancée par le président Trump de marcher vers le Capitole, le 6 janvier 2021, n’était pas spontanée.

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Stephen Ayres, témoin

Ainsi, un échange de textos obtenu par les enquêteurs montre que, dès le 4 janvier 2021, Kylie Kremer, organisatrice de la manifestation d’appui à Trump à l’Ellipse, terrain situé près de la Maison-Blanche, a écrit à un proche de Trump que le président allait « de façon inattendue lancer un appel à marcher vers la Capitole ».

Idem avec Ali Alexander, militant d’extrême droite qui, dans un message le 5 janvier, écrivait : « Trump est censé nous ordonner de marcher vers le Capitole à la fin de son discours, mais nous verrons. »

Des extraits vidéo ont aussi montré deux proches de Trump, Roger Stone et Michael Flynn, frayer avec des membres des Proud Boys et des Oath Keepers et même recevoir leur protection.

« [Sa] rhétorique a tué quelqu’un »

Dans un échange avec une collègue, Katrina Pierson, l’ancien directeur de campagne de Trump Brad Parscale a évoqué « un président en fonction qui sollicite une guerre civile » avant d’ajouter que « la rhétorique de Trump a tué quelqu’un », à propos d’une militante morte durant l’insurrection.

« Il y avait à certains moments des armes pointées vers des agents des forces de l’ordre », a de son côté dit M. Van Tatenhove à propos de l’assaut du 6 janvier. Après un long soupir, il a poursuivi.

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Jason Van Tatenhove, témoin

Dès le départ, il y avait un potentiel de bain de sang. Nous sommes extrêmement chanceux que cela n’ait pas dégénéré davantage. Il y a eu des pertes de vie le 6 janvier et c’est déplorable, mais il aurait pu y en avoir tellement plus.

Jason Van Tatenhove, témoin

« Ces deux témoins ont dit qu’on était très près du déclenchement d’une révolution armée. Ils [les manifestants] n’avaient pas l’intention d’en rester là. En théorie, ils voulaient aller loin au point d’empêcher la présidence Biden et utiliser des armes et différents moyens pour s’assurer que Donald Trump reste au pouvoir », résume Valérie Beaudoin.

À glacer le sang

La première partie de l’audience est revenue sur les tentatives de Trump et de sa garde rapprochée de renverser les résultats de l’élection du 3 novembre 2020 remportée par Joe Biden, quitte à commander à l’armée de saisir des boîtes de scrutin.

En désespoir de cause, à 1 h 42 la nuit du 19 décembre 2020, Donald Trump a lancé un appel à la protestation pour le 6 janvier. « Soyez là, ça sera fou. »

Or, dans les heures et les jours qui ont suivi, donc bien en amont des évènements, de nombreux échanges de messages entre partisans du 45e président montrent que ces derniers y ont vu un appel aux armes.

Certains messages sont à glacer le sang. « Les flics n’ont pas le pouvoir d’agir s’ils sont étendus par terre dans une mare de leur propre sang », écrit l’un d’eux.

« Trump vient de nous dire de venir armés. Put…, ça va se passer », lance un autre. « Gilets pare-balles, coups-de-poing américains, boucliers, bâtons, gaz poivre, tout ce qu’il faut… », suggère un troisième.

Le comité a par ailleurs dévoilé des extraits de la rencontre tenue à huis clos la semaine dernière avec Pat Cipollone, ancien conseiller juridique de M. Trump. M. Cipollone a raconté les nombreuses situations où il s’est dressé contre les manigances du président et de ses proches pour conserver le pouvoir.

M. Cipollone, dont le témoignage était très attendu parce qu’il était de nombreuses rencontres cruciales, a salué le courage du vice-président Mike Pence, qui a résisté aux demandes répétées du président pour bloquer et renverser les résultats de l’élection. « Il a pris les bonnes décisions. Il a été très courageux et mériterait qu’on lui donne la Médaille de la Liberté », a argué le conseiller.

En savoir plus
  • « Le cambriolage du Watergate ressemble à une rencontre de louveteaux comparé à cet assaut. »
    – Le représentant démocrate Jamie Raskin dans ses remarques en clôture de l’audience de mardi