Une nouvelle décision de la Cour suprême des États-Unis vient de valider le droit d’un entraîneur de football d’une école publique à prier au centre du terrain avec ses joueurs à la suite de la tenue d’un match.

Comme dans plusieurs autres cas récents, la décision a été prise avec une majorité de 6-3 grâce au bloc des juges conservateurs, dont trois ont été nommés par l’ancien président américain Donald Trump.

Cette décision de la cour fait suite à la plainte d’un entraîneur de football, Joseph Kennedy, qui travaillait autrefois dans une école publique de Bremerton, ville proche de Seattle, dans l’État de Washington. Chrétien et ancien membre des Marines, M. Kennedy avait pris l’habitude, une fois le match terminé, de s’agenouiller à la ligne de 50 verges au centre du terrain et de prier avec ses joueurs.

Or, l’affaire a pris de plus en plus d’ampleur dans la ville et l’État, et toutes les fins de match sont devenues tendues. Après plusieurs avertissements, l’école a décidé, en 2015, de ne pas renouveler le contrat de l’entraîneur. Les administrateurs estimaient que la prière n’avait pas sa place à la fin d’un match dans une école publique.

Devant les tribunaux

M. Kennedy a porté l’affaire devant les tribunaux en faisant valoir que la décision de son employeur contrevenait au premier amendement à la Constitution des États-Unis en faveur de la liberté de religion, de parole, de la presse et de s’assembler pacifiquement.

Il a perdu sa cause en première instance et en Cour d’appel. Mais la Cour suprême lui a donné raison.

« La Constitution et le meilleur de nos traditions conseillent le respect mutuel et la tolérance, et non la censure et la répression, tant pour les opinions religieuses que non religieuses », a écrit le juge Neil Gorsuch au nom de la majorité.

Selon les juges, M. Kennedy a agi à titre de citoyen privé et non à titre d’employé d’un établissement scolaire, si bien que dans ce cas, son geste était reconnu par le premier amendement.

« Une entité gouvernementale a voulu punir un individu pour une pratique religieuse brève, calme et personnelle […], la Constitution n’impose ni ne tolère ce genre de discrimination », a poursuivi le juge Gorsuch.

Dans une entrevue à CNN, M. Kennedy a déclaré qu’à son avis, « chaque Américain devrait pouvoir avoir la foi en public et ne pas craindre d’être renvoyé pour cela ». Pour lui, il convenait de remercier Dieu, gagne ou perd.

La séparation entre l’Église et l’État perd du terrain

Selon le juge Gorsuch, une école ne viole pas nécessairement le principe de séparation entre l’Église et l’État en tolérant un tel acte religieux.

Mais du côté des trois juges dissidents, on ne voit pas les choses du même œil.

Selon eux, le choix de l’entraîneur de tenir une prière risquait de mettre une pression indue sur les épaules des jeunes joueurs ne partageant pas ses croyances religieuses.

Ils se questionnent aussi sur la possibilité que le geste soit interprété comme un choix de l’école, dans le cas présent, de favoriser le christianisme au détriment des autres religions.

L’argumentaire des juges dissidents s’appuie aussi sur… une autre partie du premier amendement, à savoir la « clause d’établissement » qui indique que le Congrès des États-Unis n’adoptera aucune loi favorisant l’établissement d’une religion par rapport à une autre.

« Cette décision rend un mauvais service aux écoles et aux jeunes citoyens qu’elles servent ainsi qu’à l’engagement à long terme de notre Nation de séparer l’Église et l’État », indique la juge Sonia Sotomayor au nom de ses collègues.

Dans deux autres récentes décisions, la Cour suprême a statué (6-3) que l’État du Maine ne pouvait exclure les écoles confessionnelles d’un dispositif d’aides publiques et que la mairie de Boston (9-0) devait permettre à un groupe chrétien d’afficher son drapeau sur l’hôtel de ville. Ces décisions sont interprétées comme des pertes de terrain chez les tenants de la stricte séparation entre l’Église et l’État.

Avec CNN, NPR et l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 86 %
    C’est la proportion de décisions favorables à des questions de religion rendues à la Cour suprême sous le juge en chef John Roberts, la plus conservatrice en 70 ans, selon une étude de deux professeurs de droit américains. Sous l’ancien juge en chef William Rehnquist (1986-2005), les décisions favorables à des questions de religion atteignaient un taux de 58 %.
    Source : Étude à paraître dans The Supreme Court Review de l’Université de Chicago
    87 millions
    Lundi, pour la deuxième fois en moins de deux semaines, la Cour suprême a refusé de saisir un appel du groupe allemand Bayer, fabricant du désherbant Roundup, lui enjoignant de payer une somme de 87 millions US à un couple atteint de cancer.
    Source : Agence France-Presse