(El Paso) Quand elle avait 16 ans, Diana Villanueva est tombée enceinte après un viol, puis l’homme — son petit ami — l’a obligée à avorter. Lorsqu’elle se souvient de cette journée qui l’a hantée pendant des décennies, cette fervente catholique retient à quel point il fut difficile d’agir contre son gré.

Devant l’endroit où elle a avorté, elle n’a pas été accueillie par des militants la haranguant ou la suppliant de rebrousser chemin, comme c’est souvent le cas devant ces cliniques spécialisées.

Mais avec le recul, elle regrette qu’ils n’aient pas été là. « J’avais peur que quelqu’un me voie parce que ma mère était très impliquée à l’église et j’avais peur que quelqu’un de l’église soit là », explique-t-elle à l’AFP.

« J’espérais que personne ne soit là, mais en même temps, j’aurais aimé que quelqu’un soit là, parce que ça m’aurait peut-être donné le courage de dire “ je ne veux pas le faire ” ».

Mme Villanueva, 53 ans, est originaire d’El Paso, au Texas. Aujourd’hui mère de trois enfants, elle coordonne la section locale d’une retraite spirituelle pour les femmes, qui comme elle, regrettent leur avortement.

PHOTO ROBYN BECK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Diana Villanueva

Conçue par la psychologue Theresa Burke et présente dans des dizaines de pays, « Rachel’s Vineyard » s’appuie sur les Écritures et se décrit comme une aide à « se reconstruire et à panser les cœurs brisés par l’avortement ».

Un avortement, ça t’affecte. Au début, tu veux juste te débarrasser du problème, alors tu ne penses pas au-delà. Tu veux une solution.

Diana Villanueva

« Mais après avoir traversé ça, tu t’interroges sur ce que tu as fait. C’est là que tu commences à ressentir des remords », explique-t-elle.

Mme Villanueva a découvert « Rachel’s Vineyard » grâce à son église et comme pour beaucoup, son approche de l’avortement est fortement influencée par sa religion.

« Beaucoup de ces femmes disent “ mon corps, mon choix ”. [Mais] ce n’est pas ton corps. Ton corps appartient au Christ », soutient-elle.

« Complètement interdit »

Le Texas est l’un des États menant la bataille pour restreindre l’accès à l’avortement. Vendredi, la Cour suprême a révoqué son arrêt emblématique « Roe contre Wade », qui depuis 1973 garantissait le droit des Américaines à avorter, et a laissé aux États le choix d’interdire ou non les avortements.

A El Paso, la ville natale de Mme Villanueva, il n’y a plus de cliniques pratiquant les avortements. Mais elle se retrouve en première ligne dans la lutte, car elle est voisine du Nouveau-Mexique, où l’avortement est toujours légal.

De l’autre côté de la frontière se trouve la ville de San Teresa, où peuvent aller des femmes désireuses d’avorter. Mais la loi texane prévoit que n’importe quelle personne aidant une femme à avorter — même le chauffeur d’un véhicule Uber qui l’emmènerait à la clinique — peut être tenue responsable.

Mark Cavaliere, directeur de l’organisation Southwest Coalition for Life, qui met au point des campagnes et programmes contre l’avortement, défend de telles mesures.

« Ce sont ceux qui procèdent à ces opérations qui commettent des actes de violence contre les femmes et les enfants », affirme-t-il. Ce père de cinq enfants pense que Roe contre Wade était nocif pour les femmes.

L’arrêt « a mis la pression sur les femmes pour qu’elles se sentent obligées de modifier, de supprimer et de détruire les fonctions normales et saines de leur corps afin de répondre aux définitions du succès qui sont en réalité basées sur les normes masculines », déclare-t-il.

Son organisation offre entre autres des échographies gratuites dans une clinique mobile.

Le véhicule se gare parfois devant une clinique à Santa Teresa pour tenter de convaincre les femmes cherchant à se faire avorter de poursuivre leur grossesse. Le week-end dernier, des dizaines de personnes se sont rassemblées pour une collecte de fonds pour cette clinique mobile à El Paso.

Une course de bébés a été organisée pour voir qui de deux petits enfants allait marcher le plus vite à quatre pattes. Jazzmin Hernandez, enseignante de 32 ans, souriait en les regardant. Pour elle, contrairement à la majorité des Américains selon les sondages, il n’y a pas de zone grise.

« La manière dont le bébé est conçu n’a aucune importance. Rien ne justifie de mettre fin à la vie d’un enfant », dit-elle. « Je pense que le Texas montre l’exemple, et j’espère que d’autres États vont suivre et que l’avortement sera complètement interdit ».